N’allez pas confondre John Tavener et John Taverner. Le premier est bien vivant, et certaines de ses œuvres récentes viennent d’être enregistrées par l’orchestre The Academy of Ancient Music (1 CD Harmonia Mundi 907 231). Musique déroutante. Mais le public anglais adore. Peut-être à cause de ses traditions religieuses (chœurs sacrés) ou de son goût pour les techniques d’écriture conventionnelle. Tavener écrit ici pour une formation baroque, avec diapason et cordes d’époque… Si vous aimez les perruques poudrées, les trophées de chasse et les moulures (en toc), tout cela est très bien foutu. Où sont passées les innovations -genre sérialisme combinatoire- qui ont fait la fortune de cet aimable professeur au Trinity college de Londres ? Il ne reste ici qu’une musique sous haute influence historique.
John Taverner (oui, TaveRner) ne composa pas de pastiche, lui. Né vers 1490, sur les bords de la Tamise, il vécut quelques heures terribles de l’histoire anglaise, et passa longtemps pour un hérétique. Fut-il un agent de Cromwell ? il y a vingt ans, deux biographies successives ont contribué à donner quelques réponses aux questions que suscitent le personnage. Un type pas banal. Sa musique religieuse, faite de huit messes, trois magnificats et vingt-cinq motets, est de premier ordre. Très équilibrée, assez expressive, utilisant quelques harmonies que d’autres compositeurs emprunteront un peu plus tard. Respectant les habitudes liturgiques, Taverner évite d’utiliser les voix de femmes, et les remplace par des voix d’enfants.
Ainsi le Magnificat, à six voix a capella, enregistré ici pour la première fois sur CD, est sans doute le plus émouvant. Il utilise toutes les combinaisons possibles de voix, et devient véritablement virtuose au sicut erat, grâce à l’emploi de rythmes plus développés et d’ornements toujours plus nombreux. Comment ne pas penser au travail qu’effectue en France Josquin des Prés sensiblement à la même époque ? Notamment dans la Meane Mass (connue sous le nom de Messe sine nomine) composée sans partie vocale supérieure. Ce genre influencera d’ailleurs peu après d’autres compositeurs anglais de tout premier ordre tels Thomas Tallis ou William Byrd. Cette musique mérite certainement mieux que le rôle un peu « new age » qu’on lui fait jouer, genre lendemain de Rave…