Simon Simon : un nom étrange qui, pour une heureuse poignée d’initiés mélomanes, évoque immédiatement les aventures électro-acoustiques du saxophoniste John Surman et du batteur Jack DeJohnette, réunis en 1981 dans un disque unique –The Amazing adventures of Simon Simon, donc. De Nestor’s saga en Pilgrim’s way, on y suivait leurs pérégrinations dans un univers musical obsessionnel concocté par le britannique à base de boucles synthétiques hallucinatoires (la marque de fabrique de son petit monde solitaire, mise en valeur dans ses nombreux albums solo) et dynamisé par le jeu foisonnant de l’américain. Vingt ans et quelques éphémères retrouvailles plus tard (un travail en commun avec le Balanescu Quartet puis avec le London Brass, à paraître prochainement chez Manfred Eicher), voici donc le deuxième volet, nettement plus axé sur l’improvisation, de ce duo secret dont on savourait depuis des années le Simon Simon sans trop savoir s’il renaîtrait un jour.

Enregistré à Tampere (Finlande) et Berlin en novembre 2000, Invisible nature propose, outre la ballade Song for world forgiveness finale (signée DeJohnette et pour laquelle il passe des baguettes au piano), six thèmes à peu près entièrement improvisés. Le recours à l’électronique et aux effets permet aux deux musiciens de démultiplier leur présence et d’installer des climats reconnaissables entre tous : batterie électronique (un Roland HPD15 Handsonic, précise-t-on dans le livret) aux sonorités changeantes (basses, tablas) pour DeJohnette, nappes de clavier, réverbe et Midi Wind Controller (« un instrument qui ressemble un peu à une clarinette inter-galactique ») pour Surman. C’est toutefois au delà l’environnement ainsi instauré et de la fascination qu’il provoque que se tient l’intérêt de ces pièces libres en tous points remarquables où, sans jamais jouer la carte de l’exubérance free ou du débordement (la mesure, la retenue sont intrinsèque au travail de Surman, tout particulièrement dans ses travaux solo ou dans l’excroissance ouverte qu’en constituait Simon Simon ; la remarque est moins facile à soutenir mais probablement tout aussi avérée pour le Surman du mémorable trio avec Barre Phillips & Stu Martin), les deux musiciens explorent avec une admirable entente des territoires non entièrement prémédités. Y resurgissent chaque fois les racines de leurs parcours singuliers et tout particulièrement l’imaginaire anglais (celtique) si formidablement traversé dans de multiples configurations par John Surman depuis de nombreuses années.