L’histoire de John Surman avec l’orgue ne date pas d’hier. Ses admirateurs se souviennent sans doute de Proverbs and songs, le sublime oratorio qu’il a créé à la cathédrale de Salisbury en 1996, et pour lequel il était accompagné par le Salisbury Festival Orchestra (dirigé par Howard Moody) et, à l’orgue, par son ami John Taylor ; ils ne savent en revanche peut-être pas que voici quelques décennies, le jeune Surman, lorsqu’il était chanteur soprano, avait enregistré son premier disque en duo avec… un orgue (tenu par G.W. Hawkings : une photo de la galette est reproduite dans la pochette). C’est donc tout naturellement qu’il a retrouvé Howard Moody, avec lequel il collaborait sur Proverbs and songs lorsque Taylor était indisponible, pour ce nouveau projet bien dans sa manière, au croisement de la musique improvisée, du jazz et de l’exploration d’un patrimoine folklorique dont on trouve les traces à travers la plupart de ses projets solo (l’envoûtant Upon reflection, en 1979, pour n’en citer qu’un). « J’ai apprécié la façon dont Howard abordait les sections d’improvisation, explique-t-il à propos de cette nouvelle collaboration. Nous avons alors décidé de travailler de nouveau ensemble. Cela s’est réalisé quand il m’a proposé de composer quelques pièces pour le Sarum Orchestra [dont il est directeur artistique et chef d’orchestre]. Après quelques séances de travail concluantes à l’église de Penhurst, dans le Kent, nous nous sommes sentis prêts à nous lancer dans un album ».

Résultat : Rain on the window, donc, bel album qui s’inscrit dans la veine des derniers projets transversaux du saxophoniste, avec cordes (Coruscating, The Spaces in between) ou avec cuivres (Free and equal, en compagnie de Jack DeJohnette). D’emblée, on est saisi par la présence majestueuse et profonde de l’orgue, soubassement idéal pour les volutes rondes et puissantes des saxophones (soprano et baryton) de Surman, aussi magistral mélodiste qu’à l’habitude. Parmi les quinze pièces, toutes très courtes (de une à quatre minutes), comme pour déjouer ce que le dispositif pouvait avoir de solennité excessive, ou pour offrir des miniatures condensées en forme de joyaux plutôt que des cathédrales imposantes (l’orgue y suffit), on notera plusieurs chansons folkloriques réarrangées, une série de belles improvisations et quelques thèmes inédits dont, pour l’anecdote, l’un (A Spring wedding) a été composé par le saxophoniste pour une occasion on ne peut plus spéciale : le mariage du fils de Surman, Ben, avec la jeune Minya, fille de… Jack DeJohnette. Intensité, pureté, spiritualité, beauté : un très beau disque, à la hauteur du génie de ce musicien qui compte sans aucun doute parmi les plus créatifs et importants de notre époque, dont nous suivons religieusement les albums depuis des années (cf. nos chroniques de Coruscating, The Spaces in between, Invisible nature et de la réédition de Way back when). En espérant en entendre beaucoup d’autres encore…