On s’était tellement ennuyé à l’écoute d’A go go -laborieuse cure de jouvence funky, péniblement accomplie avec le trio Medeski, Martin et Wood- qu’on ne pouvait qu’être agréablement surpris par cette seconde tentative du guitariste américain John Scofield pour se faire une place à Groove City. Abandonnant sagement les MMW à leurs ternes bidouillages (seul Chris Wood, le bassiste, est de ses nouvelles aventures), l’ex-compagnon du Miles de la renaissance eighties (celui des albums Star people, Decoy et You’re under arrest) a débauché quelques solides musiciens. Eric Kalb (batterie) et Johnny Durkin (percussions) viennent de Deep Banana Blackout. « J’ai toujours aimé le funk et aujourd’hui des groupes comme Deep Banana Blackout reprennent le flambeau des James Brown, Sly Stone ou Miles de l’époque Bitches brew, ils réaniment toute cette tradition de la fin des années 60 et du début des années 70″, explique-t-il.

Sont aussi présents, Tony Scherr (basse) et Kenny Wollesen (batterie) du quartet Sex Mob, Mark De Gli Antoni (claviers) de Soul Coughing, Johnny Almendre (percussions) de la scène salsa new-yorkaise, Chris Wood et Dave Livosi (basse). On sait que les distributions étoilées ne font pas forcément les grands groupes, mais il faut avouer que les combinaisons ici envisageables laissaient présager le meilleur. Et, en fait de tentatives funky, Bump semble être la bonne. Malgré onze compositions originales pas toujours passionnantes -difficile de taper juste à chaque fois, A go go le montrait assez cruellement-, John Scofield a suffisamment de bonnes idées pour qu’émerge un album remuant, bien construit, varié, quelquefois surprenant, souvent réellement entraînant. Plans imparables (l’introduction de Kelpers, avec l’excellent Eric Kalb aux baguettes), travail des timbres (la sonorité acérée du guitariste reste reconnaissable entre toutes), riffs wah-wah à la Brian Stolz (Blackout), sobriété des samplings du créatif Mark De Gli Antoni, délices percussifs (Groan man, avec Johnny Almendra aux bongos) : on n’évite parfois les clichés que de justesse, mais tout concourt, dans l’ensemble, à ce que l’album soit une réussite. On regrettera toutefois que la guitare occupe à peu près continuellement l’avant-plan (lorsqu’elle ne s’accompagne d’ailleurs pas elle-même). Les efficaces rythmiciens recrutés par l’ancien accompagnateur de Mulligan, Chet Baker et Billy Cobham, se trouvent trop souvent relégués à l’inintéressante fonction de faire-valoir de luxe. Quoi qu’il en soit, on est sans doute encore à quelques encablures derrière les flammes authentiques des groupes de Louisiane, mais Bump ne déparera pas dans votre collection New Orleans.