Roi des dancefloors en tant que DJ, producteur émérite (« le meilleur d’entre nous », dixit Etienne Jaumet), Joakim Bouaziz, à l’heure de sortir son troisième album, écrit toujours le mot « Pop » avec une majuscule (voir notre interview). Alors que le format fait ses derniers barouds d’honneur en tombereaux de coffrets-tombaux, le producteur parisien s’évertue, persiste, et signe des albums (11 titres pour celui-ci), eux-mêmes composés de pop-songs, certes mutantes, mais toujours en quête de la forme la plus moderne et universelle de nos épiphanies consommables. Producteur d’avant-garde dévoué aux combats d’une autre époque (déjà ?), Joakim aurait-il vieilli, comme tout le monde ? C’est ce que laisse entendre le single Forever young (« You use to be young, Now where do you belong ? »), un peu trop oublieux de sa nouvelle maturité dans la nostalgie de sa jeunesse. Car la mélancolie partout masque une évolution pourtant remarquable vers une belle et nouvelle sincérité, le long de narrations introspectives propices aux identifications, quand bien même elles sont mixées loin derrière les snares et les basslines.

Joakim, s’il ralentit le tempo et délaisse un peu l’anonymat tigré du Dj-producteur pour exposer ses doutes et légères dépressions, le fait sans oublier d’où il vient : du monde de la nuit. Les angoisses ici chantées semblent être relatives à sa position : solitude du nomade (My love is gone), confusion du jour et de la nuit (Paranoid, confusion que l’on reconnait dans la dernière réponse à notre interview, jusqu’au doute lancinant (In the cave), qu’on tirera par les cheveux vers la vielle allégorie platonicienne de la caverne : les ombres projetées sur les murs de la boîte sont-elles la seule réalité ? Le club est-il un Fight Club ? Find a way adopte la belle forme (socratique) du dialogue, amoureux, entre le musicien et une amie de rencontre, pour répondre avec le seul message qui compte finalement : la musique trouve toujours son chemin. La musique sauve tout, en polyrythmies hypnotiques (Paranoid), montées de bruit blanc (In the cave), accords de pianos impérieux (In the cave), synthétiseurs analogiques en avant (Fight club), dans une maîtrise totale des effets, et l’on sort éblouis du labyrinthe, par une porte perpendiculaire, sur un groove de basse chaleureux (Labyrinth).