On vous bassine avec The Tough Alliance depuis des mois parce qu’ils influencent, toujours pour le meilleur, toute une frange de la pop la plus adorable qu’il nous ait été donnée d’entendre depuis un an (Delorean) – qui court même jusqu’à leurs adversaires de toujours (les groupes originaires de Stockholm Lo-Fi-Fnk et The Radio Dept.) – et pourtant leur label Sincerely Yours est une des idiosyncrasies les solitaires et plus mal comprises du paysage pop actuel. Ce pourquoi il convient, avant que tous ces journalistes ignares ne posent leurs sales pattes sur le sujet (les mêmes qui vous ont parlé du mauvais goût de la feuille de cannabis et des tâches de sang, les mêmes qui n’avaient déjà rien compris au n°2 et vous signaleront avec leurs idées toutes figées que leur n°3 est inconsistant comme pour s’excuser d’avoir à parler de jj après tout le monde : ils ont tort) de clarifier une bonne fois pour toute l’entité jj, parce que comme tout ce qui s’imprime chez Sincerely Yours, leurs sorties sont indissociables.

Secretly Canadian nous sort ces deux albums comme ils auraient dû paraître l’été dernier : conjointement, puisqu’écrits au même moment. Et pourtant, si rien ne les espace dans le temps, tout sépare ces deux mixtapes, sauf cette voix dont l’élasticité soul s’étire sur tous les styles, du hip-hop embué d’Ecstasy au folk le plus âpre (Me & Dean). A commencer par la production merveilleuse de ce n°2.1 (réédition complétée par l’ajout du morceau Pure shores) qui nous donne un entre-deux lisible entre trouvailles formelles et limpidité mélodique (les petits échos qui tombent sous les contretemps du sautillant Things will never be the same, les écumes de blips qui échouent sur My love). Pure shores résume à ce titre et à elle seule, dans ses changements multiples de sound-design autour de la voix d’Elin, tout son charme estival, des rayons de soleil qui percent sous la surface au remou océanique qui donne la nausée et la voix asséchée par le trop de sel dans l’eau.

Il y a quelque chose de fascinant à ne pas retrouver en leur n°3 toute l’immédiateté de leur n°2, sauf les quelques herbes sauvages ça-et-là qui dépassent de leurs plaines enneigées (ces vents tout doux qui ferment Golden virginia) et la lumière du nord qui lui jette ses reflets baléariques (Into the light). On se demande d’abord quelle tempête a bien pu se produire pour ne laisser que des terrains blancs, quand on réalise avec le temps, que tout est encore là, sous la couche de glace, la sécheresse et le froid apparent de la production new age, comme cette montée de sueur alors qu’Elin entonne le refrain de Lil Wayne sur My life, ou les harmonies étranges qui concluent And now.

Du reste, il y a bien sûr les flottements et les ébauches qu’on entend tous sans doute un peu plus à l’heure où la production des The Tough Alliance, ses lignes plaintives de synthétiseurs sous chorus et ses accords piano-house se font plus discrets sous les frottements de guitare sèche, les lignes claires de violons et les petits battements enjouées de toms sous delay qui n’appartiennent qu’à Joakim. Egarements qui ne signifient pas grand-chose quand nul groupe n’aura autant signifié dans ses positions et dans l’aléatoire de ses compositions qu’on épouse sa musique pour ce qu’elle est et non ce qu’elle doit être. Parce que c’est cette liberté qui nous aura livré les plus beaux moments d’extase de l’été passé, et on n’en doute pas, nous fera encore sourire à l’avenir.