Il y a encore cinq ou six ans, l’appellation lo-fi était rattachée en règle générale à une certaine forme de rock déglinguée, enregistrée dans des conditions déplorables. L’enjeu de la démarche consiste à simplement balancer sur bande un premier jet « instantané », sans perdre de temps à respecter les sacro-saintes normes d’enregistrement professionnel. Avec la musique électronique, l’informatique de salon donne aujourd’hui la possibilité à chacun de trouver sa propre méthode de fabrication ; et ainsi de pondre une production « aux normes » sans pour autant passer par un studio… Inutile de parler de lo-fi donc, puisque les ordinateurs rendent la « hi-fi » à la portée de tous.

Seulement, au beau milieu de toutes ces remises en cause de la production musicale, Hypo est un cas à part. A l’écoute de son disque, on sent bien que ce jeune Français est armé d’une configuration minimale (synthé, guitare, boîte à rythmes, micro et quelques effets…) où l’ordinateur semble ne pas avoir trouvé sa place. Ce qui nous amène à le considérer comme le digne représentant d’une nouvelle génération de musiciens lo-fi. On pourrait peut-être même parler de lo-tech, vu qu’il s’agit ici de musique en grande partie électronique, réalisée avec les moyens du bord…

Mais au même titre que certains enregistrements de Lou Barlow ou encore Sparklehorse, les contraintes techniques n’empêchent pas Hypo de nous signer quelques petits bijoux musicaux, débordant de sincérité et d’humour. On pense notamment à Oldorder et Animaux, sorte de méli-mélo brouillon, où guitares et flûtes viennent se greffer aux programmations de clavier de manière incertaine. L’enregistrement rudimentaire, pour ne pas dire cradingue, sur ces deux titres évoque d’ailleurs certains morceaux de Frank Mission (du label Nordheim). Sur Mike microfono, la ligne de basse innocente et les paisibles parties de synthé nous rappellent -avec une certaine nostalgie- la bande originale du film expérimental Maman et bébé vont au zoo. Quant aux mélodies sur Wundersingle, elles ne sont pas sans nous rappeler les hypnotiques lignes de synthé de Pram.

Outre ces plans electro-cheap, qui touchent avant tout par leur simplicité, on discerne aussi chez Hypo une volonté de pousser ses machines à bout. Citons par exemple le titre Cdl effect, où les mélodies semblent être issues de divers dysfonctionnements électroniques, amenés par de complexes bidouillages. Sur la fin du disque, Hypo s’adonne à l’art du collage sonore avec une certaine dextérité (Drum & babass…) et nous produit des plans riches, où les sons fusionnent par la saturation. Et c’est avant tout ces petites ingéniosités qui rendent son album si attachant.