Certains pourront regretter les longs morceaux ascensionnels de Mazzy Star, ce Velvet Underground vaguement hippie, groupe éclatant auteur de trois albums (She hangs brightly, So tonight that I might see, Among my swan) à la fois vaporeux et envoûtants, enfumés et excitants, psychédéliques et sobres, beaux trésors que David Roback offrait à la voix unique de Hope Sandoval. Qu’il en soit à jamais remercié.

On disait autrefois qu’à chaque fois que Hope Sandoval ouvrait la bouche, on tombait amoureux d’elle. La dernière fois qu’on est tombé sous le charme ce n’était pas sur un disque de Mazzy Star, ni sur la pub Air France que les Chemical Brothers ont concocté pour elle, mais sur Sometimes always, morceau immense qui ouvrait l’album Stoned and dethroned de Jesus And Mary Chain. Sometimes always est un titre en duo où William Reid, alors amant de la belle, l’offrait en pâture à son sagouin de frère. Il lui fait cadeau ici d’une belle ballade désabusée. Elle s’appelle Drop et ouvre ce Bavarian fruit bread par les mots suivants: « The way you drown is like a stone (tu coules comme une pierre) ».

Loin de couler, cette fille sait assurément s’entourer. The Warm Inventions n’est pas vraiment un groupe, tout au plus un nom de code qui cache surtout Colm O’Ciosoig, l’ex-batteur de My Bloody Valentine, co-producteur et principal collaborateur de ce bel album à la fois magique et terne. Ne pas s’attendre ici à une résurrection des cathédrales soniques vaporeuses chères à Kevin Shields, hormis le morceau titre, vaguelettes-outtakes (une minutes et quinze secondes) fantasmatiquement issues des sessions du Tremolo EP, ce qui en soi constitue déjà une raison suffisante pour acheter ce disque.

Butterfly mornings et Charlotte bénéficient aussi de la présence du mythique guitariste anglais Bert Jansch (Pentangle), influence majeure de Nick Drake ou de Jimmy Page, qui colore de ses arpèges mélancoliques cet album de folk aquatique, velvetien et intimiste, dont on recommandera l’écoute de nuit. Deuxième bonne raison d’acheter ce disque les yeux fermés. On pourrait aussi signaler que vers la fin du disque, sur Lose me on the way, au moment où Hope Sandoval chante « I’ve got to go in », un sentiment de perte nous envahi, cette mélancolie douce qui berce les souvenirs sans regrets, à tel point qu’on ne peut que replacer le diamant au début de la première face. Et chérir ce disque comme aucun autre.