Anne Sofie von Otter (Ariodante), Lynne Dawson (Ginevra), Ewa Podles (Polinesso), Richard Croft (Lurcanio), Denis Sedov (Il re di Scozia)… Les musiciens du Louvre, Marc Minkowski. 3CD.

Tout a été dit, déjà, de tout le (très, très grand) bien qu’on pense de cet Ariodante, intégrale lyrique d’ores et déjà historique, à ranger aux côtés des Tosca de Sabata, Cosi de Karajan ou autre Onéguine de Khaïkine, pour faire consensuel… De ces réussites pour lesquelles une note ne veut plus rien dire, et devant lesquelles le critique reste à court de mots pour exprimer ce sentiment presque palpable de perfection. Mais bon, rien que pour le plaisir, enfonçons ici le clou, une fois encore, si possible.
Minkowski
? Handel ressuscité, on frémit d’avance de ce que seront son Giulio Cesare, et son Orlando, et son Messie, et …! Minkowski, chef d’exception (dans le Grand siècle, c’est entendu, comme dans… La Dame blanche) mais aussi -surtout ?- éminent casting director : Handel, pas mal de disques nous l’ont (hélas…) donné à entendre, ne souffre, plus que tout autre, une seule faille dans ses distributions d’opéras. Ici (c’est-à-dire à Poissy, où l’on a enregistré live), rien de tel : la perfection, vous dit-on ! Von Otter trouve le rôle de sa vie, tellement plus évidente, tout compte fait, chez les baroques que partout ailleurs (ses récents Schubert nous ont laissé indifférents) : son « Scherza infida » vous rendra aphones, littéralement stupéfaits, pétrifiés, que sais-je encore… douze minutes d’opéra comme on en entend peu dans une vie.
Et tous les autres, exactement au diapason : Powdles, oui, Powdles !, que les majors cessent enfin de snober, mezzo terrifiante et ravageuse -l’héritière de Marilyn Horne, c’est elle (écoutez ses Rossini chez Naxos) ; Denis Sedov, belle et grande basse qui ne pourrait cacher plus longtemps le sang russe qui coule dans ses veines -l’héritier de Ramey, c’est lui ! Etc., etc. Toutes et tous, chanteurs et musiciens, (ré)unis sous la baguette incendiaire et bouleversante du maestro : c’est Handel, le théâtre, la vie comme on rêvait –Minkowski l’a fait !

Stéphane Grant