Nouveau joueur sur le terrain très fréquenté de l’electro-jazz, issu de la prolixe galaxie scandinave (il est suédois), le trompettiste Goran Kajfes marche ici dans les pas d’un Nils Petter Molvaer ou d’un Bugge Wesseltoft, sans révolutionner quoi que ce soit au genre mais sans y faire pâle figure non plus, encore qu’un grain de folie et d’audace n’aurait pas diminué la valeur du disque. Après un parcours classique et des études au conservatoire rythmique de Copenhague, Kafjes se lance dans le jazz, tournant notamment avec le Quintet « Oddjob », l’une des plus fameuses formations scandinaves de la fin des années 1990 ; oreille exploratrice et curieuse, sideman occasionnel dans la pop (on l’a entendu derrière Eagle-Eye Cherry ou… Janet Jackson), il se laisse happer par le tourbillon des musiques électroniques, trouvant en David Österberg un soutien idéal. Solidement entouré (on compte pas moins de treize musiciens dans son équipe, parmi lesquels le saxophoniste Per « Texas » Johansson, le pianiste Jesper Nordenström et le guitariste Matias Torell), il donne avec Head spin une nouvelle preuve de la vitalité de la jeune scène électro scandinave tout en mettant en évidence certaines de ses limites : influencé, comme beaucoup, par les détonations électriques des groupes survoltés de Miles Davis au début des seventies (The Man with the golden arm), pénétré par tous les sons de son époque (Futi, qui ne déparerait pas dans la discothèque d’un fanatique de drum’n’bass), le trompettiste compose un album à tous points de vue impeccable, équilibré et entraînant, mais privé de ce qui aurait pu lui donner son prix, en l’occurrence un peu de personnalité. Kajfes imite et recycle sans vraiment innover, se coulant tranquillement dans les moules préformés des musiques électroniques contemporaines sans jamais manifester la volonté de les éclater ni s’y sentir à l’étroit. De Nils Petter Molvaer à Eivind Aarset et de Erik Truffaz à Laurent de Wilde, le jazzfan, lui, peut légitimement exprimer des envies de renouveau. A défaut de les lui offrir, Head spin reste un album honnête, trop impersonnel pour marquer l’époque mais suffisamment réussi pour éclairer la soirée.