Crétinisme extrême ou raillerie politique, la musique de Goodiepal laisse le champ largement ouvert au débat. Ce suédois allié des activistes idiotiques de V/VM (qui ont créé un sous-label de 7″ rien que pour lui, Goodiebags) aime comme ces derniers provoquer le rire en même temps que l’effroi, et sa musique en devient souvent insaisissable. Il débarque aujourd’hui sur Skipp, le label des lillois Dat Politics qui après leur formidable compilation anniversaire de l’année dernière, semblent donc décidés à faire de leur petit label une véritable structure caractérielle.

Narc beacon, première sortie CD du suédois, est en fait une anthologie, qui compile certains des meilleurs moments des Goodiebags, notamment consacrés à détourner les images de grandes multinationales, ici Chupa-Chups ou Nokia, pour lesquelles le garçon aurait travaillé… Hélas, les apparitions fantomatiques de slogans utilisés tels quels ont ici été effacées, pour des raisons légales évidentes. On se consolera en écoutant les détournements que le garçon inflige à ses enregistrements lo-fi de musique traditionnelle jouée (péruvienne, notamment) ou de démos de synthétiseurs déficients.

Des détournements, qui, si on peine à trouver un sens politique ou conceptuel à leur existence, ont une classe folle : ici une ritournelle militaire est entrecoupée de breaks digitaux absurdes, là un simili rock’n’roll s’efface dans un nuage de distorsion, ailleurs une mélodie de vocoder s’évapore dans une déflagration de dissonance. Abasourdis, on se pose à nouveau la question : mais pourquoi Goodiepal fait-il tout ça ? Simulant un autisme parfaitement à propos, le garçon prévient sur la pochette : « the Goodiepal is too shy, for further information contact Skipp » (« Goodiepal est trop timide, pour plus d’infos contacter Skipp »). Ironique ? On se plaît plutôt à imaginer le suédois coller et déconstruire sa muzak apocalyptique en toute naïveté, à regarder les multinationales dans les yeux et à massacrer leurs publicités juste parce qu’il regarde trop la télévision. C’est peu probable, mais ça donne un charme merveilleusement décalé à son art décérébré.