Telemann constitue l’idéal-type du compositeur du 18e grand public au même titre qu’Antonio Vivaldi : une musique simple et efficace qui se ressemble souvent et soi-disant moins prise de tête que celle de Jean-Sébastien Bach. Ainsi, il a fait les beaux jours de Deutsche Grammophon dans les années 70 grâce entre autres au fameux ensemble Paul Kuentz qui enregistra les concertos, les sonates pour tous les instruments de la terre (flûte, violon, hautbois, basson…). Mon ami François Régis me rappelait en effet qu’Alfred (le musicologue et non Albert) Einstein disait de façon lapidaire : « Bach sol mineur, Telemann do majeur ». En clair, après une Cantate de Bach au petit-déjeuner le dimanche matin, Telemann c’est bien pour l’après-midi avec le thé car ça repose de la métaphysique. Ce n’est pas faux ; mais je voulais un peu m’attacher à celui qui a composé plus que Bach et Haendel réunis, faire comme si je remerciais un homme de l’ombre.

Les 12 Quatuors « Parisiens » ont été très bien enregistrés sur instruments modernes par le Quatuor Amsterdam à la fin des années 60. L’Ensemble Florilegium -sur instruments anciens- avait déjà enregistré du Telemann (les Concerti da camera), du Vivaldi. Il semble donc légitime qu’il s’y attaque. Ces quatuors sont d’inspiration stylistique française et, malgré leur titre, de structure italienne. Mais ils constituent surtout les premiers pas du quatuor classique ; Telemann a aussi composé des Sonates en trio, mais ici les 4 instruments ont un rôle égal (ou presque). Cette musique plutôt virtuose bénéficia à l’époque de l’interprétation des meilleurs solistes français et on imagine très bien le public de l’époque discutant en prenant le thé tandis que les musiciens s’efforcent de jouer du mieux qu’ils peuvent.

Ce qui est bien en plus ici, c’est que ces œuvres bénéficient d’une interprétation exemplaire. Rachel Podger use de son violon avec tranquillité, le flûtiste nous rappelle qu’on ne faisait pas de la flûte à bec à l’école mais du bruit. On est d’autant plus désolé du départ de Rachel Podger, partie après le disque tenter une carrière solo. C’est vraiment dommage car ils avaient réussi à trouver le juste équilibre. Enfin, Florilegium ne cherche pas à en faire trop et cette musique reste ce qu’elle est à l’origine : de la musique baroque divertissante. D’entendre des musiciens décontractés et on le devient aussi. Au moins, on est tranquille pour le début de semaine avec ça.