Francis Poulenc aurait eu cent ans ces jours ci, et notre fin de siècle nourrie de toutes les nostalgies, de toutes les célébrations, trouve dans ce centenaire l’occasion de nous faire entendre quelques chefs-d’œuvre, voire quelques raretés du maître. Ainsi passa-t-on de Mozart à Gershwin, de Bach à Brahms (bientôt Chopin..). Qui s’en plaindra ? Pas l’amateur curieux qui pourra, à peu de frais, remplir quelques rayons de sa discothèque. Déjà en 1993, trentenaire de la mort de Poulenc, programmes radio, interprétations inspirées (Françoise Pollet sur les pas de Denise Duval dans la voix humaine), semaine thématique sur France Musique avaient montré la voie.
Aujourd’hui, ce sont les grands groupes discographiques qui honorent le nom de Poulenc dans leur catalogue. Si EMI choisit d’offrir au public un florilège d’interprétations d’époque (menées brillamment par Jacques Février), si l’on peut de nouveau entendre le maître lui-même au piano, accompagnant à l’occasion Pierre Bernac, ou si (pour ceux qui n’auraient pas lu Mythologies de Roland Barthes) sont disponibles quelques mélodies données par Gérard Souzay, RCA au contraire nous offre une série d’enregistrements entièrement nouveaux. Voici un éditeur qui parie sur la jeunesse, sur une génération qui ignore les conflits stylistiques qui ont nourri (pourri ?) la vie musicale française. Comme sorti de l’esprit de Renaud Machart, spécialiste incontournable de Poulenc qui signe ici les notes trop courtes, Éric Le Sage (34 ans) et sa bande proposent une vision moderne, efficace, peu maniérée, intuitive de cette musique délicieuse, rarement grimaçante, parfois intime jusqu’à l’extase (sonate pour hautbois). A voir l’engagement, le talent (Paul Meyer, Emmanuel Pahud…) des artistes qui le servent, on sait enfin que le groupe de six laissera au moins le nom de cet aveyronnais dans l’histoire.