Francesco Bearzatti (ténor, clarinette, auteur de la plupart des compositions), Emmanuel Bex (orgue) et Aldo Romano (batterie) : c’est le casting transalpin du Bizart Trio, invention de ce souffleur repéré au sein du projet « Because of Bechet » et dûment remarqué avec l’album Virus (la critique italienne l’a élu « meilleur talent » de l’année 2003) ; il s’adjoint aujourd’hui les services du grand aîné Enrico Rava pour ce Hope toujours aussi éclectique dans son répertoire et surprenant dans ses orientations stylistiques. Ca commence comme une promenade légère et modérément palpitante en territoire swing avec batterie aérienne et clarinette virevoltante ; on s’apprête à se laisser couler dans l’ambiance en pensant à autre chose lorsqu’une guitare électrique énorme (Enrico Terragnoli) et une batterie binaire carrée comme un parpaing (Paolo Mappa) explosent littéralement aux oreilles : c’est le premier virage d’un disque truffé de fausses pistes que Bearzatti a composé comme un labyrinthe musical où la diversité n’empêche pas la cohérence mais démultiplie l’intérêt. Quasi-tangos, ballades succulentes dont on ferait bien la bande-son d’un film de Fellini, valses et détour par Il Camino, une somptueuse mélodie de l’impérial Aldo Romano : le multisouffleur italien déconcerte mais ne perd jamais, mettant sa virtuosité et son énergie au service d’une musique éclatée et sensuelle qui ne perd jamais le sens de l’humour. Ses passes d’armes avec Rava valent le coup d’oreille, ses épisodes free réveillent et détonnent, les bidouillages sonores d’Emmanuel Bex lient la sauce et lui donnent tout le piquant qu’il lui faut. Ce Bizart Trio augmenté mène tellement bien sa barque qu’on se retrouve tout à coup en fin d’album avec Hope, le titre éponyme, mystérieux morceau où un saxophone déchirant à la Gato Barbieri se laisse porter par des nappes de claviers clichés et des loops d’un goût douteux. On se demande un peu ce que ça vient faire là avant de laisser ses scrupules de côté et de se laisser aller jusqu’à la fin : après tout, l’essentiel, c’est que ça marche.