En 1996, Etienne de Crécy (EDC) avait presque réussi à éclipser le raz-de-marée Daft Punk, d’abord avec Motorbass, descente dans les bas-fonds d’une cité futuriste, puis avec Superdiscount, catalogue téléachat de la french house versaillaise. Quatre ans plus tard, EDC revient avec Tempovision, son premier véritable album solo. La tension funky de Liquidation totale a disparu, remplacée par une torpeur high tech plus apaisante.

Intronection ouvre l’album avec un son de modem filtré. L’auditeur entre dans un méta-réseau neuronal abolissant le temps et l’espace. La métaphore du cyberespace, nouveau paradis artificiel ? EDC est le Pavloff de la musique électronique française. Tempovision se consomme comme une dose de pharmacologie sonore. Sur Noname, les terminaisons nerveuses sont prisonnières d’un orgasme indéfiniment retardé. Et When Jack met Jill laisse flotter la magie d’une première rencontre amoureuse, comme l’intro d’un titre de Prince mise en boucle par un amant obsessionnel.

L’usage de vieux synthés (Out of my hands, Relax) est un hommage appuyé au funk 80 (D Train, Cameo, etc.). Sa collaboration avec la chanteuse Belita Woods et Clip Payne (Parliament), qui a coécrit les paroles et produit les voix de l’album, est une réussite exemplaire. Scratched est une superbe incursion de blue hip-hop. Belita Woods y livre un troublant Blues for lovers, toutes griffes rentrées, à image de ce scratch étouffé et caressant qui conduit le titre. Sa voix chaude évoque les vieilles passions éteintes, chantées jadis par Esther Philips.

Seul vestige house, Am I wrong énerve par son insolente facilité mais il réveille automatiquement le cortex du danseur qui sommeillait. On peut reprocher à Tempovision d’exploiter quelques formules déjà bien rodées (3 day week-end, Rythm & beat), mais EDC travaille les boucles avec un tel acharnement thérapeutique que les quatorze minutes de Hold the line s’écoutent toujours avec autant de plaisir. La répétition devient musique. Il est inutile de résister, Tempovision vaincra toutes vos réticences.