Etrange comment ce deuxième album d’Erik Arnaud est accueilli avec une haine palpable par le petit milieu du rock indé français. Tout le monde semble trouver ça nul. Et Erik Arnaud aurait même « une sale gueule », a-t-on entendu… A croire qu’avant d’écouter le disque, on l’a déjà jugé, à l’aune du ressentiment inspiré par son passage des indépendants pur jus (Alienor) à la major pur marketing (Labels). Pourtant, les filles trouveront sûrement Erik Arnaud très mignon, et les garçons qui apprécient le rock français sans trop se poser de questions, écouteront sans doute ce Comment je vis avec plaisir. Car Erik Arnaud, s’il est vraisemblablement naïf, est aussi sincère. Et on devrait toujours saluer les gens qui prennent une guitare et un stylo, pour écrire des chansons naïves et sincères.

Ce qui n’empêche pas que ce deuxième album soit truffé de défauts. Les défauts de ses qualités, comme on dit. Le premier degré sur la misère sociale n’a pas la poétique de Mendelson, l’auto apitoiement et la subjectivité revendiquée n’ont pas le nihilisme affirmatif de Diabologum ou Programme, la production rock français compressé de Monte Vallier (Swell) n’a pas le caractère rêche et écharpé de Fugazi (revendiqué comme influence). Bref, on nage entre deux eaux : une rock-attitude polissée, accessible, mise au goût du jour, une rébellion profil bas, privée de son pouvoir d’affirmation. De la musique « réactive », pour parler Nietzschéen, qui porte le poids douloureux de son inadaptation au monde.

Ce disque pourrait faire parler de lui, avec un titre hommage à Jean Claude Roman (le fameux imposteur qui a tué toute sa famille, mis en roman par Emmanuel Carrère dans L’Adversaire) ou sa critique de la chanson française. Erik Arnaud avait déjà créé une petite polémique avec son premier album en ironisant sur la variété française. Il repart à l’attaque ici avec French musique : « J’ai trop bouffé de chansons de mauvaise variété / J’ai trop maté de conneries à la télé », ceci avec une touchante mais dommageable absence de distance. Car ses textes frôlent l’indigence, et sont plus que jamais proches de la variété française qu’il dit abhorrer. La phrase ironisant sur les faiseurs de culture, qui diraient : « Je n’invente rien d’authentique », dans Best of, est aussi malheureuse, chantée mollement, croyant énoncer une vérité neuve quand ce n’est que poncif. Ce qu’on peut regretter, évidemment, mais en y mettant les formes, si possible.

Toute la force de frappe revendiquée par ce disque échoue donc lamentablement dans le lieu commun et la banale dénonciation. On a l’impression d’écouter un petit bourgeois qui trouve sa vie « déréalisée », « inauthentique », « programmée » ou que sais-je des nouveaux maux du siècle… La chanson titre Comment je vis énonce « Ne me demande pas comment je vis / Comme une merde » : Programme disait à peu près la même chose avec une force de conviction qui jamais n’affleure ici, même si le parlé-chanté est aussi de mise, forçant la comparaison au désavantage évidemment d’Erik Arnaud. Car les petits gars de Programme vivent réellement ce qu’ils chantent, ils n’écrivent pas leurs chansons en lisant les journaux. Malgré ses louables intentions, c’est tout ce qui manque à ce disque : du ressenti, du vécu, de la vie.