Division électronique du label nancéen Ici d’Ailleurs, 0101 est né « de l’envie d’une expression électronique nouvelle et variée ». Sibylline déclaration d’intention si souvent entendue et si souvent trahie qu’elle finit par devenir lassante. En guise de premières références electronica, 0101 propose donc sans grande surprise deux noms familiers du paysage musical français. Eric Aldéa d’abord (ex-Bästard, hôte de longue date de la maison mère), dont on découvre aujourd’hui le premier album solo. Micro:Mega ensuite (Sylvain Chauveau et Frédéric Luneau), dont l’univers musical est déjà bien balisé puisque le duo signe ici son troisième disque depuis Photosphere en 1999.

Composés par Eric Aldéa pour les chorégraphies de la compagnie La Baraka, les instrumentaux sans titres de Saturno o cipolla ?, malgré leurs intentions, déçoivent : nombreuses fautes de goût et maladresses. Un morceau qui jette grossièrement des ponts vers la musique orientale, des divagations laptop qui laissent de marbre, une cellule électrique de violoncelle qui produit un son absolument atroce… Seuls fonctionnent trois morceaux (dont deux écrits en 1999) mariant perturbations électroniques et cordes amples et lyriques, qui rappelleraient presque du Delerue. Pour l’anecdote, l’idée de ce collage de sons a été reprise par Robert Lippok, avec son EP Open close open (Raster-Noton, 2000).

Plus convaincant que Saturno o cipolla ?, Annex de Micro: mega revisite le paysage mélancolique et poisseux laissé en plan par ses deux prédécesseurs. A base de claviers, de samplers et de guitares, l’univers instrumental de Micro: mega n’est pas sans rappeler dans sa démarche la musique de Fragile, le projet ambiant d’Hervé Thomas (Hint). Annex est comme l’exploration d’un cerveau sur le point d’imploser, la radiographie d’un espace clos d’abord dominé par les nappes fluides (Annex1) mais rapidement gangrené par le martèlement de sons malades passés en boucle (dès Annex2). Par la quantité de bruits samplés qui l’enserrent littéralement, Annex véhicule une impression d’étouffement, de malaise. Avec son motif obsédant, ses hurlements plaintifs, Annex5 est le morceau le plus impressionnant de l’album. Au-delà du dialogue entre machines et instruments, c’est la spatialisation des sons, les effets d’écho, de profondeur qui leur sont affectés qui sidèrent sur ce morceau. Reste que la prise de risque de Micro: mega est nulle : le duo reste fidèle à ses références, très flagrantes. On savait que le groupe faisait les yeux doux en direction de Third Eye Foundation et Pan American, qui avaient remixé deux morceaux de leur album Human. Annex ne dévie pas d’un iota en faisant la part belle aux guitares éthérées (Annex4) et aux nappes de claviers de Labradford (Annex3), aux sons glauques (Annex5) et à la rythmique glaçante (Annex6) de TEF.

Pour ses débuts et en dépit de son atout présumé (sa proximité avec Ici d’Ailleurs), 0101 offre ainsi deux albums de facture inégale. En naviguant sur un terrain parfaitement sarclé, le label contourne la difficulté et reste en deçà de son propos. L’ambition d’un renouveau de la musique électronique méritait mieux, on attendra donc de pied ferme les prochaines productions.