Emler compositeur, Emler arrangeur, Emler pianiste, Emler improvisateur : depuis un quart de siècle, cet homme-là se promène sur la scène et dans les coulisses du jazz et des musiques contemporaines hexagonales avec une curiosité et une propension à l’expérimentation jamais fatiguées. Au début des années 1980, il étudie avec Marius Constant au Conservatoire et joue en duo piano / vibraphone avec son compère Antoine Hervé ; quelques mois plus tard, il fonde un quintette (Ducret, Chassagnite, Verly, Talet) appelé à rester dans les mémoires pour ses recherches sur l’improvisation. Sa création la plus célèbre s’appelle « MegaOctet » : un groupe lancé en 1990 dont la musique inclassable mêle genres et influences (et auquel on devra un mémorable hommage à Zappa en 1994, ce qui semble finalement dans la logique des choses). Travaux pour la radio, pour l’ONJ, avec des chorégraphes, musique contemporaine (Elastik connectik, oeuvre pour 40 clarinettes créée en juin 2002 à Clermont-Ferrand), enseignement, œuvres en solo, duo et trio : la biographie abrégée d’Andy Emler ressemble à une ode au dynamisme et à l’expérimentation tous azimuts. Son dernier album sous son nom remontait pourtant à 1999 (en quintet avec Dave Liebman) ; entre commandes et créations en chaîne, il a enregistré, aux studios La Buissonne (l’ingénieur Gérard de Haro est aux manettes), ce disque en trio avec Claude Tchamitchian (contrebasse, que l’on entendait récemment avec Rémi Charmasson et Jean-Pierre Julian dans L’Ombre de la pluie) et Eric Echampard (batterie) : une musique à l’image du (des) personnage(s), infiniment diverse, savante et sensible, dans la tradition d’une scène de l’improvisation française toujours surprenante.

Pièces plutôt courtes (même si Sweat suite frôle les 18 minutes), souci de l’espace et de la respiration, humour, accidents, échanges constants placent incontestablement ce Tee time sur le terrain des musiques libres sans pour autant que la qualité mélodique et le repérage de l’auditeur n’aient à en souffrir. Certains passages répétitifs tirent même curieusement l’ensemble vers un minimalisme envoûtant, non systématique, absolument convaincant. La magie opère : on revient volontiers au disque avec la certitude de n’en avoir pas perçu (percé) tous les mystères, et l’envie de goûter une nouvelle fois à la singularité de climats trop complexes pour être aisément définis mais suffisamment simples pour fasciner.