En à peine quatre ou cinq ans, l’habile DJ Krush s’est imposé comme une des figures les plus importantes de la jeune et turbulente scène du hip-hop instrumental. Extrêmement prolifique (cinq albums et plusieurs collaborations), le Japonais n’est pourtant jamais tombé dans cette facilité qui hante actuellement les compositions de certains artistes du genre. Comme beaucoup le pensent, une simple ligne de basse plaquée sur un bon rythme bouclé suffit pour faire effet… Mais quelques instigateurs de ce que l’on nomme « l’abstract hip-hop », -depuis l’arrivée fulgurante des compilations Headz de chez Mo’Wax- comme Krush, DJ Shadow ou encore Cut Chemist, sont toujours là pour nous rappeler que le véritable « DJ-ing » est avant tout une affaire de recherche dans l’agencement des sons.

Ici, Krush nous livre, avec Code 4109, un album assez particulier, où le DJ confirme bien sa ferme détermination à toujours faire passer la composition pure au premier rang… Paradoxalement, Code 4109 est un album dit « de mix ». Mais, même dans cette catégorie, où beaucoup de DJs se limitent à sortir des compilations de morceaux adroitement enchaînés, le Japonais réussit à produire quelque chose de personnel. Certes, les morceaux joués (de Nick Wiz, Beats International, DJ Cam…) ne lui appartiennent pas, mais son agilité aux platines lui permet de se les réapproprier ; de sorte que chacune des plages de cet album est totalement indissociable de celle qui la précède… Au-delà de la virtuosité résidant dans des enchaînements subtils –Code 4109 se laisse écouter comme un morceau de 68 minutes-, l’utilisation de samples, scratches et autres sons personnels a tendance à métamorphoser totalement les titres utilisés à la base. L’apport de chants bulgares sur les morceaux Taiyou ga arukagiri et Polegnala E Pschenitza constitue un des exemples les plus flagrants : dès l’arrivée des voix (progressive, entraînée par de courts scratches délicats), l’instrumental est remis en question et semble alors transformé. De même, sur Incinerator, l’agencement des percussions nous fait entendre différemment une rythmique hip-hop, servie maintes fois par pléthore d’artistes.

Cependant, Code 4109 contient quelques passages assez pesants -les parties chantées de Just be good to me et Final home– qui nous rappellent instantanément ce faible pour le sirupeux qu’avait aussi Tim Simenon (l’homme de Bomb The Bass, génie inclassable et grand pionnier du mix sur platines). Ce détail, quasi insignifiant, mis à part, DJ Krush signe ici une réussite… Une de plus.