Encore un anniversaire ! 25 ans depuis la mort de Dimitri Chostakovitch. 25 ans et une légende grandit, mois après mois, jusqu’au « Chostakovitch est un génie » de Mstislav Rostropovitch. On trouve presque toute l’œuvre du compositeur dans les bacs. Mais principalement, outre la valse de la Jazz suite, tube publicitaire inouï, on connaît les quinze symphonies, les vingt-quatre préludes et fugues et deux ou trois œuvres lyriques. Pas mal ! Même s’il faudra, avec le temps, aller à la rencontre de méconnus Aphorismes pour piano, de musiques de scène (Hamlet, La Comédie humaine…) ou d’une bonne trentaine de musiques de film. S’il n’a pas écrit que des chefs-d’œuvre, tout Chostakovitch est digne d’intérêt, lui qui sait se montrer drôle, parfois déchirant (œuvres vocales). Résultat : il n’y a pas de purgatoire Chostakovitch (ce purgatoire qui n’a pourtant pas épargné Brahms, Schubert ou Gustav Malher).

Parmi les relatives raretés, la seconde sonate pour piano. Composée à la même époque que les 6e ou 7e sonates de Prokofiev, cette œuvre subtile ne connaît pas la gloire des sonates du grand Sergei. C’est injuste ! Emil Gilels brille de tous les feux dans cette sonate de guerre. La petite demi-heure de l’audition révèle un jeu d’une variété, d’un goût pour la virtuosité teintée de fragilité, sans pareil. Un piano clair et léger, démoniaque et enfantin. Sublime !

Au même programme, la célèbre 15e symphonie. Dernier monument du Russe, cette grande forme contient deux mouvements lents. Quel adagio final ! Depuis la symphonie pathétique de Tchaïkovski, aucun compositeur n’avait conclu sur un mouvement lent d’une telle ampleur. Les célestas posés sur les tenues des cordes rendent l’œuvre au silence dans un climat de sérénité grandiose. Adieu l’ironie du 3e mouvement, adieu les réminiscences de l’enfance du premier mouvement. Cette symphonie, interprétée avec soin et inspiration par l’orchestre de Philadelphie (à son meilleur), est un authentique chef-d’œuvre. Eugene Ormandy, qui en assura la première audition américaine, est fidèle à lui-même : c’est un chef romantique qui sait se pencher sur la musique de son temps sans effet gratuit. Pour avoir façonné ce merveilleux orchestre de Philadelphie pendant 42 ans, Ormandy savait, dans cet enregistrement comme ailleurs, où il allait.