Surprise : on gardait un œil attentif sur le jeune vibraphoniste David Patrois depuis un premier album convaincant, mais c’est sans doute l’autre qu’il fallait ouvrir. Car le voici qui saute directement d’un post-bop énergique et sans complexe à une world music chantante et dépouillée de tout ce qui nous la rend d’habitude si suspecte : contexte acoustique, instrumentation ouverte, compositions réussies et sons inédits, pour le dire vite, font de cet autre trio hybride une formation décidément séduisante. Direction : l’Afrique. Bagages : vibraphone, marimba et contrebasse -pour le reste, fournitures locales. Projet : une musique colorée, atemporelle et universelle, rythmée par les percussions de Pierre Marcault (djembé, bougarabous, udu, shakers), dont les mains magiques, pour la caresse comme pour la frappe, font effectivement merveille (il joue également du doussou n’goni, instrument à cordes très prisé de Don Cherry). Entre les peaux et les lamelles du leader, le trait d’union discret mais présent du contrebassiste Jean-Jacques Avenel, qui s’illustre également à la kora et à la sanza. David Patrois s’intègre dans ce nouveau contexte avec beaucoup d’aisance, sans renier l’héritage de son premier vocabulaire -ni non plus s’en sentir prisonnier.

La majorité des compositions sont de sa plume, mais on relève, outre un thème du contrebassiste, une œuvre signée de l’harmoniciste Olivier Ker Ourio (qui, à en croire les notes de pochette, a été sollicité pour d’abondants conseils dans la conception du disque) et l’Enfant d’Ornette Coleman, l’un des meilleurs moments du disque. Quelques longueurs traversent néanmoins l’album, au cours duquel on est parfois tenté de perdre le fil pour s’évader vers autre chose, hélas, que ce vers quoi on voudrait nous amener. Une certaine impression de monochromie lassante peut-être accentuée par le recours fréquent du leader au timbre égal du marimba, là où le vibraphone lui permet un jeu certainement plus expressif et nuancé. Another Trio n’en tient pas moins la route, celle d’un monde composite où l’élève de Gary Burton s’improvise émule de Don Cherry et relève le pari d’une autre musique, d’un autre trio, de désirs exigeants et risqués. Quelques retours plus classiques à son instrument d’étude permettent à David Patrois, là encore accompagné avec beaucoup de brio par Avenel et Marcault, de montrer la variété de ses talents et de rappeler qu’il n’a rien oublié d’un jazz moins explorateur mais tout aussi excitant -ou que ce jazz-là ne l’a pas oublié, c’est presque pareil.

Enregistré au studio Juno en septembre 1999