Wave to Beat, en ouverture du nouvel album d’Ivan Pavlov, démontre le procédé qui tiendra le disque tout son long. Une affaire de transition et de transformation, presque d’alchimie : l’onde sinusoïdale, pure, continue, se métamorphose peu à peu. Le temps se hache, la pulsation fait irruption. Tout est affaire de fréquence : elle s’accélère, et les vibrations se mêlent pour ne laisser entrapercevoir qu’une note tenue. Elle ralentit au contraire, et alors chaque impact progressivement se laisse percevoir. C’est ainsi que débute l’album: la genèse d’un rythme taillé dans un bloc sinusoïdal.

Après l’incipit, il sera donc toujours affaire de rythme, ou plutôt de striures, de temps qui se découpe par cascades ou par ruptures. To The Beat est un drôle de disque formel, très précis, au concept puissant. Puissant car il propulse sans faiblir le disque le long de ses 45 minutes.

Informaticien russe installé en Suède, Ivan Pavlov alias CoH, n’est pas exactement le plus caliente des faiseurs électronique. Sa discographie, énorme, complexe et exigeante, peut l’attester. C’est donc d’un abord tout à fait froid et abstrait, très homme-machine, que le disque se fait jour. Puis l’on se rend vite compte, guidé par les quelques voix et accidents qui parsèment le disque, que To The Beat est peut être un peu plus vaste qu’il n’y paraît, virevoltant volontiers à côté de là où son process initial le conduisait. Cette affaire de temps qui s’accélère et qui ralentit semble d’autant plus pertinente que la musique de CoH – qui se prononce « Sonne » et signifie sommeil en russe – se fait étrangement atemporelle, sans âge, presque intraçable. Sur la timeline de la musique électronique, on ne saurait à vrai dire guère trop où situer la chose : proto- ou post-techno, électro-indus’ kraftwerkien à la Raster Noton ou bijou excavé de l’âge des explorateurs et des synthétiseurs gros comme des réfrigérateurs king size. Quelques repères tout de même : le frénétisme 4/4 qui se réveille à quelques reprises et la perfection formelle, intimidante, de l’ensemble.

On ne cesse d’entendre aussi, un peu cachée par la virtuosité technique, cette joie inextinguible à malaxer les formes, les rythmes, les ondes, à les assembler et les juxtaposer. La musique de CoH n’est pas forcément des plus opératiques, mais elle possède en elle la tension physique tenace d’une séquence de poursuite lancée à toute berzingue. Quand le rythme s’accélère, et qu’un déluge de micro- mélodies naïves s’échappe des cassures et des hachures, que le BPM dérape complètement, la décharge d’adrénaline se fait franchement sentir. C’est soudain étonnamment prenant et physique, au point de laisser entrevoir la possibilité d’éprouver le disque autrement que par l’intellect, malgré son exactitude vertigineuse et son absolutisme formel.