Le groupe Clouddead comprend Dose one (qui traîne également du côté de Them et Deep Puddle Dynamics…), ainsi que Why ? et Odd Nosdam (la paire de Reaching Quiet). Le disque cLOUDDEAD est en fait plus un projet qu’un album traditionnel. De fait, les six vinyles 10 » sortis sur Mush Records (leur label) ont attiré l’attention de Big Dada, qui a finalement décidé d’en faire un album. Démarche louable, surtout pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité de se procurer les vinyles.

La ville d’Halifax engendre les Mc’s comme des petits pains. On ne va pas s’en plaindre puisque la qualité est (presque toujours) au rendez-vous. La planète Anticon n’a pas fini de pondre. Car la scène hip-hop d’Halifax est riche et plutôt talentueuse. Citons pêle-mêle The Goods (dont un des membres, Kunga 219, vient de sortir un album terrible : Tharpa’s transcripts), Buck 65, The Wolf Bros… Beaucoup de monde donc du côté de la Nouvelle-Ecosse, pas mal de spoken-word aussi, une composante primordiale de cette formation canadienne.cLOUDDEAD est un chaudron empli d’une effervescence musicale extrêmement fertile. Avec leurs synthés à la Boards Of Canada (Apt A, I promise never to get paint on my glasses again) et un climat proche de celui de Magma (I promise never to get paint on my glasses again), ils se détachent d’entrée de jeu des plans hip-hop traditionnels. Leurs titres complètement déstructurés fusent et s’enchevêtrent brillamment pour donner naissance à un puzzle incroyablement riche en sonorités inédites. Si l’on ne prête pas attention au chrono, il est quasiment impossible de savoir où se terminent les morceaux… Prenons All you can do is laugh et Bike : il s’agit ni plus ni moins de collages sombres et maniaco-dépressifs, où s’emmêlent samples de voix, vocaux, cordes, scratches, petits sons electro, etc. On l’aura compris : ces gars-là aiment les cut-up musicaux. Notons que les featurings ont leur importance. Sur chacun des six volets de la série, on retrouve un invité différent : des vocaux de Illogic sur Apt. A, des scratches de DJ Signify sur And all you can do is laugh et de MrDibbs sur cLOUDDEAD number 5, ainsi que les Wolf Bros sur le très bon Jimmy Breeze… Sur I promise never to get paint on my glasses again, on entend également Mc Sole (du maquis surpuissant d’Anticon), un gaillard talentueux au flow dangereux qui a déjà pondu l’année dernière un pamphlet assassin contre Co-Flow : Dear elpee.

Avant d’entendre une voix, il faut souvent attendre une ou deux minutes. Cette attente vaut le détour, les intros permettent bien souvent une montée hallucinogène puissante (Apt A, où l’on peut entendre des bruits de tronçonneuse). Amateurs de hip-hop, ne vous attendez pas à du son traditionnel, il ne s’agit pas là de « new-school », ni de « abstract », mais d’un son inclassable qui pourrait très bien plaire à un public hétéroclite. Agencement insensé, beats lourds omniprésents… (il n’y a pas de rythmiques sur I promise never to get paint on my glasses again), on croise souvent les Residents ou même Throbbing Gristle. Ces Mc’s inventifs plongent tout droit dans un univers proche de la B.O. du Passe-muraille de Michel Legrand, pour retourner soudainement vers un son plus agressif, spontané, proche du hardcore-rap traditionnel. Mais ils peuvent rapper pendant quelques secondes, puis se taire ou foutrent de l’écho crado sur leurs voix nasillardes… Dose one a d’ailleurs quelque chose dans son phrasé qui le rapproche des Psycho Realm, ce groupe tordu qui fricota un temps avec B-Real.

On trouve de tout sur cet opus, il ne s’agit pourtant pas de collages hasardeux ou de pillages idiots, mais plutôt d’un velouté aux goûts multiples et savoureux. Clouddead enregistre d’ailleurs la plupart de ses morceaux sur un 8-pistes sans séquenceur. Alors que le début du titre Jimmy Breeze est orné de petits synthés electro à la Pop-corn, sur la fin, on pense davantage à du Jane’s Addiction première période. On ne sait plus trop où trouver les références tant elles pleuvent. Mais peu importe, car le son est là et il accroche l’oreille. Dose one et Why ? auraient certainement eu leur place il y a quelques années dans les festivals Loolapalooza. Ces Mc’s possèdent en effet une sensibilité indie-rock très prononcée. Ce qui ne les empêche pas de fournir un flow de qualité. Il est clair qu’on sort des sentiers battus avec Clouddead. Intéressons nous donc de plus près à la scène d’Halifax, à Dose One, Sole et tous ces aliens venus d’un univers saisissant.