Pourquoi Decade ? Parce qu’une décennie sépare ce nouvel album du précédent (et premier), Landmarks, enregistré en 1997 avec la participation de quelques pointures (Monty Alexander, Al Foster, Wallace Roney ou Kenny Garrett étaient de la partie). Entre-temps, il a compagnonné chez Muhal Richard Abrams, Geri Allen, au sein du Lester Bowie Brass Frantasy et, évidemment, dans le groupe de Sonny Rollins, son oncle, qu’il accompagne depuis maintenant un quart de siècle et qui lui a obligeamment ouvert les portes de Doxy Records, son label, pour l’enregistrement de sa galette. Excellemment entouré par deux rythmiques qui se partagent les tâches, l’une de rang « senior » (six morceaux avec Larry Willis, piano, Bob Cranshaw, basse et Al Foster, batterie), l’autre pas moins convaincante puisqu’en partie issue de l’actuelle équipe de Rollins (Steve Jordan, batterie, Stephen Scott, piano, et le toujours très solide Christian McBride à la basse), Clifton Anderson déroule un hard bop de bon aloi sur des thèmes de sa composition (agrémentés de deux standards, I’m old fashioned et I’m glad there Is you), sans génie mais sans platitude non plus, avec une belle variété d’ambiances (swing, ballade, blues, calypso) et de tempos.

Deux guest-stars viennent mettre ici et là un peu de piment dans la sauce : les saxophonistes Eric Wyatt, pour rester en famille (il est le… filleul de Rollins) et Kenny Garrett, déjà présent sur Landmarks, qui allume un peu la mèche sur Z et Stubbs (pour être tout à fait complet, le percussionniste Kimati Dinizulu, lui aussi issu du band Rollins, amène ses instruments sur « Aah Soon Come »). Tout cela fait un album de bon niveau, très agréable en dépit d’une espèce de modestie affichée qui, poussant Clifton Anderson à ne pas trop en faire, à se mouler dans son costume élégant et dans les canons d’un bop ultra-classique, à ne jamais forcer sur sa belle sonorité moelleuse et légèrement ronronnante, finit par lui faire perdre une part de sa personnalité. Une petite heure de musique d’un goût exquis et professionnellement présentée, à quoi il manque dans l’ensemble quelques épices pour la rendre moins dispensable.