Une bonne leçon d’ouverture culturelle sur le monde… Ou comment réinventer le son du raï, en étant sous totale perfusion pop à l’entrée du troisième millénaire. L’esprit d’une authentique fusion du bled, momentanément allié à l’énergie du rap, du reggae, du flamenco, de la dance… On n’a pas oublié la flûte, le bendir et les synthés. Mais on navigue sans regrets entre l’Algérie, le Mandé et la Jamaïque, avec Paris dans les bagages, un air de gitan dans les jambes et une cornemuse bretonne signée Patrick Molard dans la tête. Avec Mami, on s’arrête sans crier gare dans des ports imaginaires, on parle d’amour à ceux qui en veulent, on partage ce qu’on peut et on repart sur la route. Comme les manouches du bonheur. Mais sans trop forcer et sans oublier cette espèce d’ancrage ou d’attachement à la terre (l’Algérie) qui rend nostalgiques -aujourd’hui- les voix du raï.

Ce disque est une merveilleuse ballade où le jeune (cheb) Mami, prince de Saïda (sa ville natale), secoue et internationalise le blues enfiévré des nuits d’Oran à la manière d’un équilibriste surdoué, en évitant tant que faire se peut la logique commerciale qui s’est totalement emparée de l’oeuvre de son compatriote anciennement couronné roi du genre Khaled. Deux ans de studio. Onze titres qui en ressortent. Au hasard, nous en retiendrons quatre. Parisien du Nord, interprété avec K-Mel d’Alliance Ethnik, produit par Imhotep d’IAM : un morceau qui remue l’honneur de toute une génération (la seconde, de beure), qui s’est laissée bouffer sans égards par l’intransigeance des discours sur l’intégration. Rani Maâk el-Youm : une ballade afro-orientale qui mime et projette l’espérance de l’amant (« Mais demain seul le destin pourrait nous réunir… »). Azwaw 2, avec Idir, chantre incontesté de l’univers kabyle : une chanson qui sait dire, ici mieux que personne, le besoin de fusionner avec l’Autre, quel que soit ce qui nous distingue. Bledi enfin… pour dire le mal du pays. Le vrai. Car Mami, même s’il y va au moins trois fois dans l’année, essaie de ne pas oublier que l’Algérie n’est plus ce qu’elle a été. C’est la principale raison pour laquelle sa voix, sublime mais déchirée, se refuse à y chanter. Tant que la spirale de la violence ne s’arrêtera pas….