En 1998, EMI devait sortir en France le disque rose de Bran Van 3000, portant le nom de Glee, et se préparait calmement à n’en vendre que quelques exemplaires, quand la direction de la major, ayant quand même trouvé le temps d’écouter l’album, décida que le single Drinking in LA serait un tube et pas moins. Ce single propulsa Glee dans cette catégorie bâtarde des disques qu’on écoute en vacances tout l’été, et qu’on dissimule sitôt rentré. Puis il est passé aux oreilles de Mike D. qui sut discerner, dans ce foutoir innommable de chansons hétéroclites, les paillettes d’un talent qui ne demandait qu’à éclore. Le disque lui plut tellement qu’il décida de signer le groupe sur Grand Royal.

Le collectif canadien sort aujourd’hui Discosis, son deuxième album, distribué cette fois chez Virgin, et l’un des titres fait sans surprise figure de détonateur estival. Nommé Astounded, il est chanté par Curtis Mayfield, qui a offert des vocaux sur lesquels il travaillait depuis des années, avant de décéder brutalement en 1999. Ce titre, sommet de l’album, prouve que Bran Van 3000 a le talent de pouvoir réconcilier les fans de Classic Soul et ceux qui n’aiment rien de plus qu’onduler du bassin le samedi soir. Le reste du disque est plus compliqué. Il perd le chaland dans un grand magasin où les bonnes rythmiques mercantiles (Go shipping) et la pop obèse (Loaded) se mélangent aux private jokes incompréhensibles (Jean Leloup’s dirty talk), et se diluent malheureusement dans des slows 100 % bœuf américain (Speed, Love cliche). Dans ce désordre qui pourrait donner des complexes aux cousins australiens des Avalanches, l’auditeur a bien du mal à retrouver ses petits. Le collectif emmené par James Di Salvio, DJ et réalisateur, ne semble avoir d’autre ambition que de surprendre, de prouver qu’il sait tout faire mieux que les autres, de s’amuser en pensant qu’aucun style n’est suffisant pour qu’il s’y arrête. Bran Van 3000 vogue en complète apesanteur du rock à l’electro, ou du reggae à la variétoche, sans parvenir ni à convaincre ni à ennuyer, seulement à s’interroger sur la polyvalence étourdissante d’une inspiration d’apparence prolixe et trop enfumée.

Ce disque passe ou casse en fonction de la santé et de la mansuétude de l’auditeur. Pour ce qui est des bonnes chansons, des titres comme Rock star ou Montreal témoignent d’un songwriting aiguisé et d’une maîtrise ludique du studio convaincante. De plus, cet album réunit une des plus belles brochettes de collaborations qu’on ait vues depuis Gorillaz : avec Big Daddy Kane, Youssou N’Dour (dans un contre-emploi étonnant), Dimitri From Paris, Demon, l’hilarant toaster Eek-a-mouse, Badar Ali Khan (frère de Nusrat Fateh) et enfin le monolithique Rick Ocasek, qui a co-produit plusieurs titres. Alors qu’en penser ? Rien sans doute. James Di Salvio le dit lui-même : « Bran Van 3000 c’est plus qu’un groupe ou un collectif, c’est un documentaire. » Plutôt un film sur l’Amérique profonde et la vie sucrée des collèges. Soyons lucide, il est des voyages plus exotiques.