Qu’est-ce qui a uni Robert Schumann et Johannes Brahms ? Une femme. Clara, musicienne de premier ordre, inspiratrice, personnalité centrale de la vie musicale du siècle. Epouse du premier, amie du deuxième, elle hante chacune des pages de l’écriture schumannienne. Pianiste extraordinaire, elle va susciter de nombreuses œuvres aux deux compositeurs les plus importants de sa vie. Et assurer la création bien sûr de (presque) toute leur musique. Le Quatuor opus 47 de Robert Schumann est pour piano, violon, alto et violoncelle. Sur les conseils de Liszt, Schumann commence à se détacher de la composition exclusive de pièces pour le piano. Un premier cycle de musique de chambre va naître dans l’année 1842. Trois quatuors à cordes seront écrits dans l’allégresse en hommage à l’école viennoise, un quintette pour piano et cordes et le Quatuor en mi bémol opus 47 admirablement enregistré ici. C’est une œuvre inclassable composée en une semaine à peine. Elle est déchirante comme savent l’être certaines pages de Schumann. Les flottements du piano dans l’andante cantabile, les ponctuations du violoncelle sont sublimes. Est-ce sa forme étrange, l’aspect sombre des tessitures employées qui rendent un peu difficile l’abord de cette œuvre ? Elle contient pourtant des trésors et conduit directement à Brahms ou à Gabriel Fauré.

Brahms justement. On sait comment le jeune virtuose entra dans l’existence de Schumann au crépuscule de sa vie. A 20 ans, il va recevoir les dernières forces de Schumann, qui reconnaît immédiatement en lui un génie. Le Quintette opus 34, commencé en 1861, connaît de nombreuses métamorphoses (il existe notamment une version alternative pour deux pianos notée sonate opus 34 b). On ne peut que saluer l’immensité de ce chef-d’œuvre qui s’inscrit dans la continuité des derniers quatuors de Beethoven ou du quintette pour deux violoncelles de Schubert. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette musique, voici une version idéale. Elle est le fruit du talent et de l’humilité en musique. Justesse du propos, maîtrise, solidité. Musique passionnée de deux compositeurs de trente ans. Deux musiciens qui se sont beaucoup aimés et ont beaucoup donné.