Jusqu’à présent Ron Thal avait concentré son talent sur son jeu de guitare pour engendrer deux petits monstres plutôt sympathiques : Bumblefoot et Hermit. Pour son troisième album, il a constitué son propre groupe avec le batteur Joe Bergamini et Frank Rao à la basse. Loin d’un trio classique purement démonstratif et ennuyeux, Uncool est le type même de l’album qui respire la joie et la bonne humeur, cultivant de la même manière originalité et audace.

Accélérations vertigineuses, passages rock qui débouchent sur une prestation de crooner kitschissime ou encore heavy-metal se résorbant sous des accents pop du plus bel effet, Uncool varie du tout au tout avec son système de cut-up musical. S’il s’agit bien là de fusion, il faut mettre un bémol à l’expression car Uncool sort des cadres étroits. Les connaisseurs ne manqueront pas de penser à une certaine école de Los Angeles (Mister Bungle, Secret Chief Trio) ou encore à Bucketthead pour le côté jusqu’au-boutiste du disque qui confine à l’épuisement de l’auditeur. Seulement voilà, Bumblefoot n’est pas un groupe de plus qui se contente de suivre à la trace le filon découvert par d’autres. Le trio a effectivement mis au point une orchestration hallucinante servie par une technique irréprochable. Et par dessus tout, un humour décapant très personnel qui maintient en éveil. Pas une seconde de répit durant les cinquante-trois minutes du CD, servi par des rythmiques soutenues et plus qu’efficaces, une invention mélodique omniprésente, jusqu’à la voix du maître lui-même qui, en plus d’être un virtuose de la gratte, dévoile un organe à faire pâlir d’envie nombre de pousseurs de chansonnette.

C’est donc sous le signe de l’éclectisme et de l’humour que se place cette nouvelle formation qui propose une fusion des genres. Si la technique est irréprochable (basse batterie exemplaire), l’écueil de la performance est contourné avec adresse : pas un solo de guitare en trop, ni de break purement démonstratif. L’aspect jouissif du disque n’est dû qu’à l’inventivité du groupe et à la cohérence de l’ensemble, petit miracle pour cet album agité et disparate. Avec Uncool, Ron Thal casse son image de guitar-hero et donne naissance à un groupe des plus prometteurs de sa longue carrière de Tom Jones sous acide.