L’ornithorynque tueur ça vous dit quelque chose ? Non.
Revenons donc alors au début de l’histoire.
2 heures du matin.
Mon voisin sonne à la porte et me lance :
– Vous me connaissez ?
– Non. Vous êtes le mec qui vit en-dessous de chez moi ?
– Mes oreilles vous connaissent, c’est quoi ce boucan ?
– C’est Fantômas.
– Quoi Fantômas ? Le film avec Louis de Funès ?
– Non, Fantômas, un des groupes de Mike Patton… Mais laissez tomber, je vais mettre autre chose, je vais mettre l’ornithorynque tueur.
– Vous êtes fou, je vais appelez les flics.
– Appelez les flics et je vous envoie l’ornithorynque tueur…
– Pauvre cinglé.
– Salut connard.

Sur ce je claque la porte et je mets dans ma chaîne Vaguely familiar, l’album de Blu Rum 13 aka The Killah Platapus (en français, « l’ornithorynque tueur »). Membre éminent du groupe Bullfrog (un groupe post funk bizarroïde qui comprend Mark Robertson à la guitare, Eric ‘Kid Koala’ San aux platines, Peter Santiago à la basse, Massimo Sansalone à la batterie, et Joanna Peters aux percussions), le fameux James « Blurum 13 » Sobers glorifie son microphone et ses platines vinyles. Après avoir fait ses preuves sur divers albums, compilations et autres mixtapes (on le croise sur U.S.S.R. the art of listening, le dernier opus de Dj Vadim), il largue aujourd’hui son premier opus en solo, sur le très bon label Jazz Fudge (toujours Dj Vadim). Originaire de Washington D.C., ce Canadien d’adoption a parcouru la planète entière à l’occasion du Russian percussion tour (plus de 300 live aux côtés de Vadim). James Sobers est donc un homme à l’emploi du temps chargé.

Vaguely familiar est un album attachant. D’une part, car le flow de l’ornithorynque tueur est nasillard et bien appuyé, et qu’il évoque tantôt un Mos Def sous amphétamine (It is basically…) tantôt un protothérien qui serait doué de parole (le terriblement efficace Yeast confection). Empreint de diverses vibrations qui confèrent à son opus des tonalités schizoïdes, Blu Rum percute dès les premiers titres. Aidés par les breaks de batterie et des scratches de voice-samples tubulaires, Blum Rum se fait doucettement chatouillé par les sonorités jazzy qui le poussent à zigzaguer entre les samples de trompettes. Le Mc double sa voix, fait glisser son flow et propose à l’auditoire un éventail de sonorités entreprenant, que viennent troubler des voix de discours insolites. La sauce prend très vite alors que le lyriciste tueur se prend la tête à retourner les scénarii, à nous plonger dans des riffs de basses subtils et des litanies biscornues. Et dès qu’on s’habitue à ces quelques repères, James Sobers vient nous troubler l’organe auditif avec des scratches tonitruants et des notes de piano composites. Aidé par ses camarades Dj Vadim, Kid Koala et Mr Thing, l’ornithorynque tueur propose un opus de très bon calibre, qu’on rangera tout en haut de notre pile de disques estampillés Jazz Fudge.

Il est 3h30 du matin. Je pense que je vais enchaîner sur l’album de Eyedea & Dj Abilities ou peut être le Harsh reality des dDamage, ça va lui défoncer le plafond au voisin. J’ai envie de me battre avec mon voisin. Il faut que je m’imprègne de l’esprit de l’ornithorynque tueur…