Cameroun, Namibie, Egypte, Sénégal, Mauritanie : treize pays d’Afrique en tout, soit treize images sonores dont Bertrand Renaudin, compositeur de l’ensemble des thèmes, a fait le programme de ce Turbulent silence magistral de justesse et d’inspiration. « C’est une musique qui ne vient pas de là-bas, écrit le batteur français, mais qui est née là-bas » : de fait, ce sont bien cinq musiciens européens qui partent ici à la redécouverte des couleurs (ocres) et des rythmes d’un continent dont il n’est pas utile de préciser combien le jazz y trouve de racines. Le leader a su s’entourer de compagnons de voyage aux origines elles-mêmes fort dissemblables, latines (le trompettiste Enrico Rava, le guitariste Olivier Cahours) et septentrionales (le formidable contrebassiste Palle Danielsson, bien connu des habitués du label ECM, le saxophoniste Jonas Knutsson) ; le résultat de cette rencontre à un triple carrefour, admirablement réussie, ne laisse pas de séduire. Il faut dire que Renaudin n’a pas ménagé ses efforts quant à un travail de composition où, tout en mettant bien entendu l’accent sur l’aspect rythmique (superbes séquences en batterie solo), il a ciselé avec soin et talent des mélodies d’une grande richesse quoiqu’en apparence étonnement simple.

Ses quatre partenaires s’en sont aussitôt fait un terrain d’improvisation idéal : on distinguera tout particulièrement la guitare boisée et orientalisante d’Olivier Cahours (il faut noter ici la qualité et la chaleur de l’enregistrement, au studio la Buissonne et sous les commandes de Gérard de Haro) et, surtout, la contrebasse magique d’un Palle Danielsson absolument époustouflant, en solo comme en accompagnement. Le carnet de route de Renaudin donne finalement moins à entendre une Afrique des rythmes et des tambours que du chant et de la mélodie ; c’est tout à son honneur que d’avoir su offrir un regard si inédit, tant la suave beauté de ses treize clichés séduit, emporte et fascine.