Le propre de certains compositeurs est de chercher sans cesse une langue, une technique novatrice. Ils affrontent un public hostile, conservateur par nature. Wagner fut pris pour une brute, Stravinky pour un païen, Varèse pour un sanglier. Ne parlons pas du jardinier Anton Webern, intégriste inconnu, mort dans la plus complète indifférence. Les révolutions aussi peuvent se manger froides. Pierre Boulez n’a pas écrit une seule note qui ne corresponde à sa propre ligne esthétique, condamnant l’académie, méprisant ses condisciples du conservatoire. « En France, il n’y a que deux compositeurs : vous et moi » lança t-il à son professeur Olivier Messiaen. Il avait 20 ans, merci pour les autres. Sa famille musicale, il la trouvera outre-Rhin, avec pour frères d’armes Stockhausen, Nono…et Berio.
Le disque présenté ici réunit deux hommes à la carrière brillante. Ne cherchons pas à comparer le style de ces deux artistes majeurs. Il ne s’agit pas d’opposer il seduttore Berio à l’ascète Boulez. Mais, en passant des Folk songs à la Sequenza, Berio semble faire un grand écart visant à rapprocher David Bowie et Céline Dion. C’est oublier son goût sans tabous, et il ne voit rien de dérangeant à orchestrer des chansons trouvées sur de vieux disques, dont il va transformer la métrique, l’harmonie, les rythmes. Il pastiche même le genre en écrivant 2 chansons : La donna ideale et Ballo. Par son goût pour les citations, il « développe les virtualités cachées » (selon ses propres mots), et la Sequenza VI bien jouée ici par l’altiste Sabrina Giuliani deviendra plus tard une pièce pour grand orchestre.
Regrettons simplement que le Contempoartensemble, plus à l’aise paradoxalement dans Boulez (presque sensuel) que dans le programme Berio, ne soit pas à la hauteur de toutes les difficultés stylistiques. Il faudra se souvenir des enregistrements de Boulez ou Berio eux-mêmes, accompagnant la sublime Cathy Berberian, pour apprécier la complexité de ces musiques.