Grâce à son apparente simplicité, l’œuvre de Benjamin Britten est célébrée comme peu d’autres œuvres du 20e siècle. Même en France, où les sphères avant-gardistes ont bataillé ferme pour évincer les influents néoclassiques, sa musique ne connaît pas le purgatoire dont tant de Francis Poulenc ou André Jolivet souffrirent ou souffrent encore. Ses opéras, qui furent au centre de ses préoccupations, le placent un peu vite dans l’académisme. Cependant, à observer de plus prés sa solide écriture classique, on comprend que l’utilisation du système tonale masque parfois quelques idées qui ont bousculées en leur temps : opéras de chambre (pour des ensembles réduits), recherche sonore, livret (opéra pour voix d’hommes seules, thème de l’homosexualité, du pacifisme). A chacun ses combats.
Étrange personnage que Benjamin Britten, ô combien british, dont l’amour pour la tradition musicale (Henry Purcell) ou royale (premier compositeur à recevoir le titre de « Lord » de la part d’Élisabeth II) cohabite avec des mœurs shocking (son couple avec le ténor Peter Pears). Ses méconnus Quatuors à cordes sont le reflet de ses contradictions apparentes. Composé aux États Unis en pleine guerre, le Premier quatuor, de facture classique, obtint la médaille de la librairie du Congrès, au moment où Britten, âgé de 28 ans, fuit ses devoirs militaires. Quatre ans plus tard, le Deuxième quatuor, est marqué à la fois par la mémoire d’une tournée pour les rescapés des camps nazis, et par la célébration du 250e anniversaire de la mort de Purcell. Grâce au Quatuor Maggini, on peut écouter comment cette musique est exigeante dans ses formes, solides, presque autant que celle de Bartok. Voila qui rend hommage à toutes les contradictions du compositeur. On attend avec curiosité la suite de l’intégrale proposée par ce jeune quatuor.