Précoce, Benjamin Britten commença à composer avec aisance dès son adolescence. Ses pièces de jeunesse traduisent d’ailleurs cette facilité alors qu’il n’avait pas encore trouvé sa voie stylistique. Les dix-huit ans tout juste atteints, Britten livrait son opus 1, une Sinfonietta pour dix instruments (créée en 1933). Ce sont pourtant les voix qui le passionnaient. Dès 1936, il donnait Our Hunting Fathers pour soprano et orchestre, puis l’année d’après On This Island, cycle pour voix et piano. Cependant, ce sont ses opéras qui le firent admirer dans le monde entier (Peter Grimes, 1945 ; Billy Bud, 1951 ; Gloriana, 1953 ou Le Tour d’écrou, 1954 ; et surtout Le Songe d’une nuit d’été, 1960).

A l’heure où une nouvelle version de Billy Bud parait chez Erato sous la direction de Kent Nagano, il est intéressant de revenir à ces pièces pour piano seul, l’instrument de composition et de concert de Britten (il se produisait comme interprète de Schubert et Schumann notamment). Un instrument par lui délaissé puisque seuls sept opus pour piano sont inscrits à son catalogue.

Quatre pièces sont présentées ici dont une, les Douze Variations de 1931, est inédite. C’est donc l’occasion de revoir les jugements courants sur l’oeuvre pour clavier du compositeur anglais. Si les Cinq Valses trahissent leur juvénilité (elles furent composées par un jeune garçon de onze ans), encore imprégnées de Chopin et Schubert ses modèles, les Douze Variations sont fortes d’une originalité et d’une irréprochable maîtrise de la forme alors que le compositeur n’avait que dix-huit ans. L’élasticité et la technique de Haridas Greif sont d’ailleurs du meilleur effet sur ce thème dont la richesse harmonique n’est pas la moindre des qualités. La dernière variation, par exemple, illustre la grâce contrapuntique de Britten, peut-être héritée de Brahms, notamment de ses Variations sur un thème de Schumann op. 9 (en particulier la dixième).

Les deux mouvements de la Sonatine romantique (1940) qui restent (à l’édition de l’oeuvre en 1986) sont le moderato et le nocturne, deux pièces contemporaines de trois autres oeuvres remarquables destinées au clavier, les Diversions pour piano et orchestre et l’opus 23 n° 1, Introduction et rondo alla burlesca, et n° 2 la Mazurka élégiaque, toutes deux pour deux pianos. Le mouvement moderato nous fait chavirer dans un monde d’accords plaqués marcatto au sein desquels se glisse un thème mélodique peu éloigné du style de Ravel. Quant au nocturne, lui aussi très ravelien, sa facture classique et ses sublimes envolées lyriques dans le haut du clavier nous le rendent intemporel. Là encore, dans ces deux pièces, la recherche harmonique chère à Britten fait merveille, même si l’influence de Chopin se fait encore sentir par endroits.

Enfin, la Night Piece qui clôt l’album est la dernière oeuvre de Britten destinée au piano. Composée en 1963, elle semble être l’illustration de la sérénité retrouvée du compositeur après quelques grandes oeuvres. Britten y livre sa passion pour la nuit avec une main gauche aux murmures inquiétants alors que la droite ouvre la pièce vers des destinées célestes.
Il reste à dire que le pianiste français Haridas Greif nous offre ici une quasi intégrale des pièces pour piano seul de Britten qu’il illumine de sa précision avec un jeu particulièrement remarquable, à la découverte de ces sublimes variations. Un achat à ne pas manquer d’autant que le disque est proposé à un prix attractif de quelques dizaines de francs.