François-Frédéric Guy (piano)

Pari gonflé, inconscient, aurait-on pu penser, vu la jeunesse de l’interprète (28 ans). C’était mal connaître François-Frédéric Guy, qui n’a jamais cédé à la tentation de la facilité -il est notamment un interprète remarquable de Boulez au concert. Pari, donc, remporté avec panache et superbe. Pour son premier récital solo, le Français s’attaque ni plus ni moins à deux sonates monumentales du répertoire, dont la très escarpée « Hammerklavier« . Les fantômes de Richter, Serkin ou Guilels sont encore très vivaces, mais FFG peut se colleter fièrement avec pareille concurrence. On admirera autant la technique souveraine que la force d’évocation du jeune pianiste, l’impeccable maîtrise et l’intelligence profonde de ce Beethoven dernière manière ; la puissance opportune, enfin, que déroule Guy dans ces pages post-pianoforte, voire quasi-romantiques (op.109).
Une vision pleinement équilibrée -un peu trop, peut-être, pour y laisser souffler le vent de folie qui balaye les versions les plus mémorables (s’il n’en fallait qu’un, donc, Richter à Prague)- mais en soi, n’est-ce pas déjà un miracle ? Aux antipodes du traditionnel premier CD « carte de visite », ce Beethoven considérable révèle une personnalité hors du commun, qui règnera bientôt, c’est sûr, aux côtés des plus grands.

Stéphane Grant