Ce coffret est la rencontre de deux êtres exigeants, Beethoven et Arrau. Rien ici ne séduit l’auditeur facilement. Il faut donc s’attarder tout au long de ces 14 CD pour apprécier une version majeure des sonates, variations et concertos ; moment de musique inépuisable dont Arrau sait préserver toutes les richesses. Pianiste chilien, mort en juin 1991, accompagnant d’autres « grands », Michelangeli et Serkin, il a enregistré tout au long de sa carrière le grand répertoire, de J.S. Bach à Claude Debussy. Il est cependant plusieurs fois revenu à Beethoven, travail d’une vie, et l’on peut se demander s’il existe une version plus aboutie.
En respectant scrupuleusement la partition du compositeur, Arrau ne fait jamais preuve d’une virtuosité gratuite, et ne charge pas d’effets son interprétation. Il est habité par cette musique acquise en 40 ans de lectures jamais interrompues. Il explore le texte sans cesse avec pudeur. Il implique tout son corps dans le piano et ne cède à aucune faiblesse musicologique (rappelons simplement qu’il alla jusqu’à faire éditer sa propre partition riche en doigtés originaux). Arrau n’enferme pas les sonates dans une quelconque dialectique, fidèle à la lente évolution du langage beethovenien. Nous pourrions louer à l’infini sa variété de touchés, son rubato expressif qui ne verse jamais dans la sensiblerie. Tout est mesuré ; les tempi ne sont jamais fébriles. C’est la version -majestueuse, ample- de l’un des plus grand maîtres du piano du 20e siècle ; à ranger aux cotés de celles d’Arthur Schnabel, Wilhem Backhaus ou Wilhem Kempff.