Enfin Paul Tortelier a droit à ses Introuvables, collection qui réédite les enregistrements historiques d’interprètes qui en ont souvent laissé beaucoup d’autres. Avant tout, c’est donc le collectionneur qui est visé. Pour cela, EMI n’a pas lésiné sur les moyens ; il est difficile de rater la promotion faite à grands renforts de pub, soutenue par un prix allégé. Tortelier devient ainsi un nouveau produit marketing : faisons du neuf avec le vieux. On doute que Tortelier ait apprécié, mais heureusement qu’il ne faut pas toujours attendre le bon vouloir des interprètes pour publier leurs enregistrements. Bref, passons.

Les quatre disques, qui regroupent surtout des gravures des années 50, font la part belle aux talents de chambriste de Tortelier, talents qu’il a développés aux côtés de Casals. Né en 1914, il a marqué toute une génération de violoncellistes -même si une amnésie semble avoir touché quelques professeurs renommés du milieu- à travers ses célèbres master-classes ( où il a fait danser quelques élèves sur des suites de Bach) et ses cours au Conservatoire de Paris. Personnalité fantasque et touchante, formidable conteur d’histoires (il se servait de son archet avec une souplesse étonnante), il a laissé des versions légendaires de Fauré, Bach ou encore Strauss. On remercie EMI de nous faire (re)découvrir ses premières interprétations, même si cela prend parfois une allure carrément anecdotique.

Car soyons francs, il n’y a rien d’essentiel dans tout cela, sauf peut-être pour les historiens de l’interprétation. Entre un concerto de Haydn assez peu convaincant et une série de pièces de concerts parfaites pour les bis (les élèves violoncellistes les connaissent bien) où, il est vrai, la virtuosité et l’imagination de Tortelier sont étonnantes, il n’y a pas grand chose à se mettre vraiment sous la dent. Certes, son Beethoven est correct, mais sans plus. Son Brahms est un peu mieux, mais on préfère J. DuPré. Il y a juste une perle : le concerto d’Honegger bien trop oublié, d’autant que ce n’est rien moins que G. Tzipine à la baguette. C’est de l’historique, du vrai, et c’est agréable. Alors on peut se laisser tenter par un peu de superflu (si on a les moyens, car P. Fournier a fait des choses nettement supérieures dans ce répertoire), mais il faudrait voir à ne pas trop pousser non plus.