Malgré les apparences, le calme Beach House ne nous vient pas d’une Californie hippie, ni d’une Europe liturgique mais bien de Baltimore, capitale d’un rock expérimental, viscéral et sophistiqué. Animal Collective, Dan Deacon ou l’excellent Future Islands sont tous originaires de cette même ville à laquelle le délicat couple semble pourtant être étranger.

Sa musique est un doux rêve sur lequel le réel n’a pas d’emprise. La dévotion qui titre ce second album du duo est celle du croyant qui contemple le monde derrière le voile de la poésie. On pourrait redouter, en découvrant ce second LP, que ce voile soit terni ou déchiré, que tout ce joli monde extatique tourne en rond. Heureusement, si ces nouveaux titres ne rompent pas avec ceux l’éponyme premier disque (2006), le puissant charme produit encore tout son effet. Les slides de guitares d’Alex Scally, la douce voix de Victoria Legrand (nièce du compositeur français Michel Legrand) embrassent les lents rythmes électroniques qui maintiennent le disque dans un état de vie quasi léthargique. Les quelques quarante minutes qui composent ce Devotion offrent le temps de l’inaction et du repos, font appel à l’imagination de l’auditeur qui sait profiter du recueillement.

Rien n’est ici pour meubler, seul l’essentiel est présent dans cette musique qui se contente d’être, discrètement. Comme chez Mazzy Star (l’une des rares références évidentes à laquelle on peut faire appel pour décrire ces onze merveilleux non-événements), les ornements de cette chapelle sont réduits à leur plus simple expression et leur style tient plus du roman que du baroque : un clavier discret, une voix résonnante, quelques notes de guitares et des accords rarissimes suffisent à emplir le délicat édifice d’une grâce divine et évidente. Pour s’imprégner plus aisément cet univers de l’épure il suffit de jeter un oeil sur la vidéo de You came to me où des paillettes soufflées par Victoria troublent délicatement l’obscurité, où une danse lente et désarticulée incarne une joie profonde, insensée et mystique.

Heart of chambers semble s’offrir dans le dénuement et dans une confiance sereine, ce coeur ne pouvant être profané dans le temple du sommeil (« In our beds we’re the lucky ones / Filled with the sun »). La vaporeuse Gila est une soyeuse et chaleureuse étoffe dans laquelle il convient de se lover à toute heure du jour et de la nuit, le regard ébloui ou cherchant la lumière. Un rêve chanté les yeux à demi ouverts et qui s’écoute les poings fermés, avec ferveur.