Au top des ventes d’albums classiques, aux côtés du peu fréquentable Helmut Lotti, le dernier Arvo Pärt ne laisse personne indifférent. Souvent décrié, parfois porté aux sommets, il ne cesse d’animer les conversations mondaines, et provoque le microcosme musical dans ce qu’il a de plus cher : les ventes de disques. Quel compositeur de musique contemporaine vend de telles masses de CD ? Les critiques musicaux semblent en plus le couvrir d’honneurs, et cet album, à peine dans les bacs, est déjà médaillé comme un général de l’armée mexicaine : Diapason d’or, ffff de Télérama… Stop ! Y’a un truc.
Ok, Pärt est l’inventeur d’un style. Dans notre petit monde de citadins speed, tout ce qui plane, ce qui est un peu zen, est apprécié. Voilà une musique qui ne provoquera jamais un tapage nocturne. Inventeur d’un style, oui, mais d’une véritable musique ? Pas sûr…

Regardons d’un peu plus près : pochette sobre, livret détaillé (quarante pages) avec biographies et photos (barbe de dignitaire orthodoxe). Soigné. Maintenant écoutons… dix, vingt minutes, une heure et quart. On s’est endormi (facile), et on réécoute tout : De Profundis est un album tiède tendance molle. Composée dans un style dit « tintinnabuli » (ne retenez que le « Tintin »), cette musique glisse entre nos oreilles, file entre nos doigts. C’est ce qui fait son succès. Elle plane, et pourrait être mixée à n’importe quoi (rap, techno, deep house…). Arvo Pärt pique son inspiration un peu partout dans le « médiéval musical » (techniques de composition à l’appui), et la simplicité évidente du matériau sonore empêche toute prise sur la musique : langage fait de collages d’accords parfaits, de gammes de do Majeur, sorte de « tonalité continue » (selon ses propres mots). Ce n’est ni bon ni mauvais, c’est juste répétitif, plat, propre et consonant, ignorant toute tension dramatique.

A l’exception de Solfeggio, œuvre de cinq minutes composée à 29 ans, assez réussie parce qu’héritière d’une technique plus vivante (le sérialisme), tout est dans la même veine. Parfait pour un dimanche soir à bouquiner sur le canapé du salon. Musique de fond, background idéal pour se relire Le Cycle Fondation d’Isaac Asimov.
Pour le dimanche (matin ou soir), on peut toutefois préférer l’original à la copie et conseiller les merveilleux enregistrements de Marcel Peres et son ensemble Organum (chez HM) dans les plains-chants grégoriens, dans les motets de Machaut, les messes de Josquin, de Gesuado… Autrement émouvant, et moins toc.