Si je dis qu’Honegger appartenait au Groupe des Six avec Poulenc et Milhaud comme têtes d’affiche, vous vous risquerez peut-être à écouter sa musique. Mais ce serait de ma part vous mener en bateau, car il n’y a pas de rapport stylistique évident si ce n’est leur rejet de l’impressionnisme de Debussy et du germanisme (on sort d’une première guerre mondiale…) de Wagner et Strauss. Certes, leurs ralliements respectifs à la Parade d’Erik Satie et au Coq et l’Arlequin de Jean Cocteau les unissent. Je pourrais aussi évoquer son étroite collaboration avec Paul Claudel, que ce soit avec son magnifique Sainte Jeanne au bûcher sur un texte du poète ou sa participation musicale à la somme qu’est Le Soulier de satin. Mais faisons simple.

Honegger est un classique. Son grand modèle reste Bach. Il a composé nombre d’œuvres religieuses parmi lesquelles il faut absolument connaître la Cantate de Noël. Mais il est également pétri de romantisme, donnant à ses compositions une valeur philosophique et spirituelle. Voilà pour les généralités, mais comme toujours au milieu de ce cadre moyen, chaque œuvre se détache. Prenons son Mouvement symphonique n°3 par exemple. Il n’y a pas de titre comme pour les deux précédents (Rugby et Pacific 231) et donc chacun y met ce qui lui plaît. Honegger a payé cher de donner des noms significatifs à certaines de ses compositions. Il s’est toujours refusé à commenter ou à accepter les discours interprétatifs (un drop par-ci, un coup de piston par-là). Car ce qui compte, c’est la musique, nous dit-il.

L’architecture musicale de sa polyphonie est ainsi impeccable : précision, rigueur, technique de développement, thématique efficace… Honegger est aussi un coloriste (sans être le fauve stravinskien). Ecoutez son travail sur les cordes, les timbres des bois et cuivres. Le dernier mouvement de la Symphonie n°2 pour cordes fait intervenir la trompette ad libitum. On a beaucoup glosé sur cette trompette de la victoire (l’œuvre date de 1941-42), sur l’acharnement combatif des cordes. Mais d’un point de vue proprement musical, il s’agit d’un choral qui doit « être un support pour la mélodie en valeurs larges des premiers violons qui risque d’être absorbée par la polyphonie des autres, instruments de même timbre » (Honegger). En clair, il s’agit d’un effet plus que d’un propos.

On est reconnaissant à Zinman de respecter la musique d’Honegger. Depuis 50 ans, c’est Munch qui détient la vérité interprétative, fondée sur ses talents de créateur et son étroite relation avec le compositeur. Zinman se démarque du pathos hyper romantique que Munch donnait à cette musique. Il privilégie une interprétation très simple, s’appuyant sur la très bonne qualité des cordes. Peut-être n’y a-t-il pas de fougue jubilatoire dans cette version, mais Zinman livre une anthologie introductive excellente qui devrait permettre de sortir un peu plus Honegger de son purgatoire historique et musical. Cocteau disait bien que « la musique n’est pas que de ce monde et son règne n’a pas de fin »…