Comment ne pas associer l’Ensemble baroque de Limoges à Christophe Coin ? Ce dernier en a fait une des formations les plus reconnues et aimées de la critique et du public. Qui est donc ce Jean-Michel Hasler qui dirige l’EBL ? Coin aurait-il démissionné ? Du tout bon ami. L’enregistrement date de 1986. Il s’agit donc d’un des premiers enregistrements de l’EBL. On l’avait oublié mais Hasler en est le fondateur.
Créé en 1985, cet ensemble, au même titre que les Musiciens du Louvre de Minkowski installés à Grenoble, ont contribué à une redéfinition géographique de l’espace musical français. Mais peut-être plus que les autres, Hasler a pris un grand risque. Que trouvait-on à Limoges au beau milieu des années 80 ? De la céramique toujours, déjà une équipe de basket, évidemment une gare (qui a brûlé depuis) et… François Reichenbach qui n’avait pas encore inspiré la « bande à Chéreau » avec son « ceux qui m’aiment prendront le train ». Souvenez-vous, c’est Reichenbach qui lança cette boutade, invitant au défi ses amis pour un voyage sur la ligne Paris-Austerlitz – Limoges. Entre-temps Orléans, Châteauroux, Issoudun, Argenton-sur-Creuse, La Souterraine et j’en passe. Mais en 1986, pas de film pour faire la promotion de la ville. Les technocrates parisiens et les détenteurs des subventions ne devaient pas être convaincus d’un grand nombre d’oreilles pour le baroque. Mais ces oreilles, il suffit de les former.

Ce disque pouvait y contribuer. Loin des sentiers battus, entre les grands Français Lully et Rameau en passant par Couperin, il y a de la place pour des personnalités comme celles de Campra et Destouches. Les trois suites d’orchestre (datées du début du xviiie siècle) rassemblées ici sont tirées d’opéras ballets, genre musical particulièrement à la mode à la cour de Versailles. Successeur du ballet de cour et très longtemps avant les Ballets russes, la danse était au cœur du geste baroque. Que ce soit par l’escrime ou par les mouvements des danseurs, il y a bien cette volonté de représenter l’univers, ses forces et tutti quanti. Pour preuve, un titre : Les Eléments. Mais le baroque faut-il le dire encore une fois s’amuse avec le paraître ; voilà donc Les Festes vénitiennes et Le Carnaval et La Folie. Certes, cette musique n’est pas incontournable. Il y a cependant plusieurs stades à passer : successivement jolie, ennuyeuse puis intéressante. En définitive, il faut de la patience et surtout savoir écouter l’oreille en coin pour savourer la note qui fait déborder, qui fait frémir. Hasler fait mouche, plaît sans pour autant être toujours à la pointe du combat d’un point de vue interprétatif. Un peu plus de « pâte » et l’affaire était jouée. Toujours est-il que l’EBL sonne déjà, âgé d’à peine un an. Et puis il y a le respect que nous inspire la maison familiale Lyrinx. De l’artisanat modeste et de qualité dans le monde des majors. Il y a une méthode Lyrinx comme la méthode Suzuki pour commencer la musique. Cette propension à toujours rester jeune. Respect, on vous dit.