Allen Hoist n’est pas vraiment un modèle de pondération en matière de cumul des mandats, et c’est tant mieux : l’Américain à Paris (depuis près d’une décennie et demie) s’est illustré sur tant de scènes différentes que l’on a peur d’en oublier lorsqu’il s’agit de les énumérer. Curieux, éclectique et versatile, l’homme-orchestre nous propose aujourd’hui un premier album sous son nom. Dans son Amérique natale, fils d’un père chanteur de jazz en club et élève du conservatoire de théâtre et de danse « Fame », il jouait aux côtés des grands de la soul -Sam & Dave ou Solomon Burke. Arrivé dans la capitale avec Mongo Santamaria, le poly-instrumentiste accompagne Jacques Higelin, Alpha Blondy et Salif Keita. Son tempérament de touche-à-tout l’emmène aussi sur les planches (dans une pièce de François Billetdoux mise en scène par Jean-Pierre Miquel, mais aussi avec André Serré ou François Méchali), dans la comédie musicale (Zazou de Jérôme Savary), à la Coupole pour les mardis salsa de Rémy Kolpa Kopoul (auteur du texte de pochette), devant les caméras (dans des films de Polanski et Assayas, et même un épisode de Maigret !)…
Appuyé sur une irréprochable formation musicale -Manhattan School of Music côté classique, Berklee à Boston côté jazz- et un bagage d’expériences, on l’a compris, à peu près complet, Allen Hoist donne avec Just before spring un disque à la hauteur de son personnage : varié, inattendu, volubile et généreux. Au carrefour du bop et du latin jazz, il met en œuvre toutes ses ressources, instrumentales comme vocales : avec Etienne MBappé (basse), Jeff Boudreaux (batterie), Mario Canonge (piano) et Orlando Poleo (bata, clave), le groupe saute les barrières stylistiques et donne une chaleur réelle à des thèmes plutôt bien arrangés. Les parties vocales, le plus souvent démultipliées en chœur ou en re-recording dans une superposition de couches rythmiques, gorgées de soul, entraînent par leur vivacité ; majorité de thèmes originaux souvent réussis, reprise de Stevie Wonder (All I do en ouverture, au punch indéniable, introduction vraiment séduisante), étrangeté ellingtonienne sur tapis de percussions (Caravan -à nos yeux l’une des pièces les moins convaincantes de ce disque)… Allen Hoist touche souvent juste, qu’il tienne l’archet (le public français l’avait découvert au violoncelle au Grand Rex lors d’un récital d’Higelin avec les Zap Mama ; il fut aussi le violoncelliste du quartet du tromboniste Glenn Ferris) ou le cuivre (quatre belles pièces instrumentales, îlots de détente au sein du déluge vocal), qu’il scatte à cent à l’heure ou chante Wonder avec profondeur. La qualité de la section rythmique n’est pas pour rien dans la réussite et le charme de ce disque plein d’énergie, entre Al Jarreau et bop du meilleur cru, Take 6 et latin jazz, musique jubilatoire aux innombrables facettes, comme on était en droit de l’attendre de la part du charismatique Allen Hoist. Amusant : le clip vidéo du premier titre (Mac et PC), pour une fois plutôt bien réalisé.
Allen Hoist (voc, as, ss, cello), Mario Caonge (p), Etienne Mbappé (b), Jeff Boudreaux (dm), Orlando Poleo (bata, clave)
Enregistré en mars 1999 à Yerres
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