Jeune formation bretonne créée en 2000, Abstrackt Keal Agram insuffle une bouffée d’air frais à l’electronica française, au gré d’influences plurielles, qui, du hip-hop à la noisy pop, en passant par Nietzsche et Mata Hari, sortent pour le moins de sentiers battus et rebattus d’un genre que certains tenaient déjà pour caduque. Le son est ici à la fois plus personnel et plus expérimental que sur le premier album éponyme, les mélodies gardant un aspect brut de décoffrage qui fait tout le charme de ce disque, certes protéiforme, mais parfaitement homogène dans ses constructions alambiquées. Sur Cluster ville, le duo morlaisien poursuit avec talent ses explorations abstract hip-hop par le biais de morceaux comme Del, Pièce, Autocrash ou St. Petersburg. Le hip-hop plus classique n’est pas en reste, les featurings de cet album comprennent La Caution et James Delleck sur Oreille droite, ainsi que le combo new-yorkais Atoms Family sur Mata Hari. Jason Lytle est un hommage distingué au leader de Grandaddy, tandis que Brouillard et Nietzsche renouent avec une electronica mélodique et mélancolique qui a jusqu’à présent fait en partie la renommée du label Goom Disques.

C’est précisément cette mélodie et cette mélancolie qui sont au coeur du premier album de Cyann & Benn, premier projet ouvertement « rock » de Goom. Ce sont leurs voisins de paliers M 83 qui ont présenté le duo parisien au label. Enregistré essentiellement loin de la ville, dans une maison de campagne Spring fait danser les phalènes à la lumière d’une bougie, ce disque constitue une sorte de rencontre idéale entre Black Heart Procession et Grandaddy, la douceur féminine en plus. Les claviers ont ici autant d’importance que les guitares. Ainsi, I can’t pretend anyone renvoie directement au son vintage et millésimé de The Sophtware slump. L’harmonium hante aussi ces compositions aérées, dans l’esprit noir de The Marble index de Nico. Le chant de Cyann est toutefois plus innocent que celui de la walkyrie teutonne, quasi-lyrique dans ses envolées, avec le clin d’oeil à Tim Buckley dans Siren song. Selected ambiant work renvoie lui à Aphex Twin, quoique l’electronica ne soit pas l’idiome musical choisi par le duo, qui lui préfère une sorte de folk bucolique et organique. De ce côté-ci de l’Atlantique, Cyann & Ben constitue la meilleure réponse à la douceur du duo de Rhode Island Iditarod. A suivre assurément.