A priori, quoi de plus douteux qu’un double album de jungle respirant à plein nez l’ambition de créer une soul « futuriste » et spirituelle ? Goldie est déjà passé par là avec son Saturnz return avec le résultat que l’on sait (plutôt ridicule). Pourtant, malgré le déluge de cordes (réelles) -ou grâce à lui-, malgré le symbolisme mystique à deux sous qui étouffe le disque, on perçoit une réelle sincérité chez les deux membres de 4 Hero, Mac et Dego, actifs depuis longtemps sous divers pseudonymes (Tek 9, Jacob’s Optical Stairway) sur la scène drum & bass. Pour résumer, le premier disque est « commercial », le second « expérimental ». Sur le premier, la production d’un lisse absolu (« cheesy », comme disent les anglais) enlève tout mordant aux morceaux. Trois titres étaient d’ailleurs déjà présents sur le maxi précédent. Les voix féminines, les cordes (violons, harpes, contrebasse, toutes live) sont agréables mais décidément trop propres et font de ce disque la bande son idéale pour une boutique de fringues branchée. On trouve malgré tout quelques moments de grâce, comme le très beau Spirits in transit (instrumental), moment le plus réussi d’une musique qui cherche tellement à retrouver l’intensité spirituelle des Gaye, Coltrane, Wonder ou Callier sans y parvenir. Car malheureusement, les clarinettes Sting, les saxos jazz FM gâchent tout. Quand au seul morceau hip hop (The action), il est insipide comme une soupe de spaghetti froide.

Le second disque, plus proche de l’école de Détroit et de la techno à base de breakbeats polaires, est intéressant sans être réellement convaincant. Il contient d’ailleurs une partie CD-Rom qui reflète bien le disque : beaucoup de graphisme très référencé, mi-réussi, mi-ridicule, et une partie très intéressante : les disques préférés du duo commentés en vidéo par eux-mêmes. Tout le problème est là : ces gars ont un goût irréprochable, une culture hip hop-soul-techno impeccable, une expérience indéniable de la musique, mais le résultat est souvent plat, sans ferveur ni passion, dont ils ne manquent pourtant sûrement pas. Un disque agréable qui n’est pas à la hauteur de ses ambitions. On attend avec impatience la réplique de A Guy Called Gerald à cet album.