Voilà bien 10 ans que les trois gros de Vitry foulent le béton du rap français. C’est en 1998 que le trio (Rim-K le Kabyle, A.P. et Mokobé) sort la tête du sac avec leur EP Ni barreaux, ni barrières, ni frontières qui propulse le très impulsif Truc de fou. Sur leur lancée, les futés enchaînent les featurings pour les productions de leur Mafia K’1 Fry (Karlito, Rohff, Manu Key…) et placent quelques titres sur divers mixtapes et compilations. Puis vient le succès hexagonal avec Les Princes de la ville, qui leur permet en 1999 de fourvoyer Skyrock et les Victoires de la musique, notamment grâce au tube Tonton du Bled. Orchestré par Dj Mehdi et Manu Key, cette première galette reçoit un accueil très favorable des radios, et surtout des ados. Le son est attachant, impulsif. Le phrasé de Rim-K, rauque et hargneux, a pourtant du mal à convaincre les puristes. Néanmoins, le crew a un potentiel intéressant et on sent qu’il n’a pas dit son dernier flow.

2002, le come-back. 113 fout la merde et démarre fort avec l’électrisant De l’autre côté de la rue. Ouais gros, Rim-K perfore l’instru d’entrée de jeu. Le Kabyle furieux défouraille ici les tympans avec une vitalité impressionnante, tout en plaçant ses mots au bon moment. Le Mc touche le plafond avec des rimes crapuleuses qui perforent méchamment les membranes des baffles : « J’habite de l’autre côté de la rue, La BAC tourne comme un sample, sur un starting-block dès la naissance on te dope avec de la merde on te bote, mon pote, personne t’entend ici, quand on te balafre comme un zèbre, chaque immeuble est comparable à une zone sismique, le mur de ma rue me parle, véhicule calciné comme monument, du mauvais côté du périph loin des comptes féeriques, confrontés aux périples, le moral pollué, comme l’air, comme l’herbe, entre crapules ca se liquide, c’est mon vécu qui parle, hommage aux disparus… ».

Fout la merde est une pièce musicale qui a toutes les caractéristiques d’une tragédie. Son sujet romanesque et urbain engendre souvent un dénouement heureux. Mêlant aisément le fâcheux et le comique (Le Guide du loubard, On roule on rode, Assoce de…), les braillards du crew réussissent à concocter un volcan musical audacieux, qui déverse les effluves d’un Dj Mehdi entreprenant. L’ex-Ideal J, qui vient tout juste de sortir The Story of (Espion), n’a pas finit de faire parler de lui. Principal metteur en son de Fout la merde, il donne à cet album des couleurs electro lumineuses et surtout, une production irréprochable. 113 maîtrise son sujet et soulève le couvercle d’un hip-hop français qui réprime ses envies. Et même si une grosse erreur de casting vient troubler la fête des brailleurs (Thomas Bangalter des Daft Punk qui mâche son vocoder merdique sur 113 fout la merde, le single), le combo 113 agrippe une saucée qui défonce tout. En témoigne l’excellent Assoce de… qui place la voix perçante d’un Karlito au meilleur de sa forme sur un instru qui casse le bec. C’est chaud pour tout le monde, surtout sur le Bonus track ou le crew plein de weed se défoule sur un instru aux samples de basses hypnotiques (déjà utilisé par les Naughty By Nature) ou encore sur le riddim de Traffic (featuring Daddy Mory) et la poésie urbaine du très attachant On roule on rode (featuring Le Rat Luciano et Don Choa de la FF). Tu peux croquer gros, c’est du bon, du rap de rue pur jus.