C’est avec ces petits textes initialement intitulés Mémoires du temps de l’immaturité que l’écrivain polonais fit sa fracassante entrée dans les lettres. Nous sommes en 1933, et tout laisse présager que le temps ne se prête pas à rire. Witold Gombrowicz décide pourtant de le placer (ce rire) au cœur de ses écrits. Un rire grinçant qui lui vaut une solide réputation dans les milieux de l’avant-garde littéraire polonaise par les voix de Schultz et Witkiewicz. Mais déjà la censure s’organise. Les critiques raillent sa prétendue immaturité. Or, si l’auteur décide de la faire sienne, c’est bien parce que cet élan de naïveté de la jeunesse est là pour combattre la suffisance et la laideur d’une culture (et son processus : la « cuculisation ») entre les mains de vieux messieurs recuits dans leur amertume. La farce a de quoi déplaire à ces derniers. L’écrivain s’en moque et démasque par le sarcasme et la provocation, tout en y incluant des figures grotesques à la manière de Jarry, les faux-semblants de la culture officielle, des modes de pensée dominants. Le tout avec un sens et une exigence rare (en fait renouvelée) de la forme. Bakakaï inaugura le bal. Les contes qui le compose sont un sommet d’humour. Et l’on oublie pas facilement les personnages qu’il met en scène et tentant de se débattre avec leur identité, contre le poids des conventions sociales. De mémoire d’homme du XXe siècle, on n’avait jamais entendu pareille parole régler ses comptes à l’asphyxiante culture qui nous submerge. Tout lecteur possédant ce livre ne sait peut-être pas qu’il a un objet explosif entre les mains.