2003 : Wataya Risa, lauréate à 19 ans du prix Akutagawa, déclenche dans la presse une véritable lame de fond. Qui est-elle, pour recevoir à un si jeune âge le plus prestigieux des prix nippons ? Personne, justement, une étudiante comme les autres ou presque, à peine sortie de l’adolescence. Mais Murakami Ryu, membre du jury, déclare déceler dans son roman (Appel du pied, traduit chez Picquier en 2004) une « réelle sincérité vis-à-vis de soi-même, ce qui donne à l’ouvrage un esprit positif », reflétant « l’état d’esprit des jeunes filles d’aujourd’hui, qu’on sent totalement désorientées. Ce roman est nouveau en ce qu’il a été écrit par une très jeune femme qui décrit la mentalité de sa génération ». Pourquoi pas. Il ne s’agit d’ailleurs pas du premier essai pour la jeune fille, qui avait déjà publié un autre Install, écrit le temps d’un été, alors qu’elle avait peine… 17 ans. Dans Install tout comme dans Appel du pied, l’héroïne Asako est une de ces adolescentes japonaises soumises à la pression permanente de la réussite scolaire, solitaires parmi les groupes bavards et surmenés de leurs condisciples de « boîtes à bac ». Solitaire, cynique, innocente : trois mots qui suffisent à la qualifier et justifient sa décision subite, celle de prendre quelques heures, puis quelques jours, pour s’évader loin de la réalité.

Il n’y a rien d’extraordinaire dans ce texte, sinon une indéniable fraîcheur qui renvoie aux incessants questionnements de l’adolescence. Le ton est juste, sans excès ni fioritures. Wataya Risa raconte un monde qu’elle connaît bien, celui qu’elle vit au quotidien, alors qu’elle bascule d’un âge à un autre. Elle est témoin d’un monde qu’elle dévoile sans trop en faire. Plus qu’un roman, son texte tient du mini-reportage, du témoignage un peu arrangé. Et Murakami Ryu a raison lorsqu’il y voit le reflet de la mentalité des jeunes générations au Japon : rien ici n’est exigé du lecteur, sinon d’assister à l’évolution d’un univers commun à toute une partie de la société nippone. Ceci étant dit, peut-on voir dans ce texte un semblant de nouveauté, comme en avaient jadis apporté les romans de Murakami Ryu (Bleu presque transparent) ou de Machida Ko (Charivari), eux-mêmes jeunes lauréats de l’Akutagawa ? Pas vraiment, tant Install et Appel du pied sont anecdotiques et adolescents. Wataya Risa elle-même dit de ses livres qu’ils ne visent pas à porter de jugement, mais à peindre un monde, sans soulever de questions. Pas de prise de position ni de remise en question. Si l’un des attraits de ses textes est peut-être justement, pour les amateurs, leur inaboutissement, les autres préféreront attendre. Attendre avant de pouvoir se prononcer sur ce qui, un jour, sera peut-être la grandeur littéraire de Wataya Risa.