Wajdi Wouawad, reconnu depuis plusieurs années déjà au Canada pour son travail comme auteur de théâtre, livre ici son premier roman, tranche de vie aux accents autobiographiques certains. Liban de temps de guerre, puis départ pour la France, avant le Québec. Autant de moments de la vie de l’écrivain que reprend Visage retrouvé avec la figure de Wahab, dans un récit des origines, de l’absence, de l’exil, de l’absurde de la guerre et de la douleur de la conscience. Le passage de l’enfance à l’âge d’homme devient un cheminement douloureux, où se côtoient tout à la fois innocence, colère, rage et incompréhension, autant de sentiments dominés par une peur sourde qui hante la vie du garçon et s’attache à chacun de ses pas.

Wahab fête tout juste ses 14 ans. Après la guerre qui ravage son pays d’origine, l’exil qui en a résulté, il est là, dans sa nouvelle ville, et rentre chez lui. Bizarre. Des amis de la famille sont présents, qu’il ne connaît pas, n’a jamais vu. Interrogations, lentes, diffuses. Prise de conscience, brutale : ces étrangers sont ses parents ; cette femme à la longue chevelure blonde dans la cuisine est sa mère. Mais toute cette famille a changé, n’est plus la sienne, en tout cas pas celle dont il se souvient et qu’il a quitté au matin. Porté par ce qu’il croit être sa folie, par son désespoir aussi, Wahab fugue. Le roman nous offre alors des pages magnifiques, des pages de fuite et de retrouvailles dans un monde de silence, face au visage nu d’une petite fille et de son grand-père, quelque part, loin, dans une campagne inconnue. Avant l’inévitable retour à la réalité. Wahab grandit. Il dessine, avant de peindre, peindre sans cesse le visage de cette mère qu’il a perdue. Jusqu’à ce face à face avec la mort, dans une chambre d’hôpital sordide, face à face avec d’anciens démons, qu’il est maintenant temps de vaincre. Jusqu’à ce que le cauchemar d’un autre exorcise ses nuits d’enfant. Jusqu’à ce qu’il retrouve sa mère, et l’apaisement, après tant de temps perdu.

Wajdi Mouawad livre avec ce roman une plongée dans ses souvenirs, une face cachée de sa vie, emplie des craintes indéfectiblement liées à l’enfance et le temps qui passe, l’exil, la mort, emplie des événements qui ont traversé sa vie, douleurs, joies, peines. L’écriture, dense et poétique, bien souvent touche au cœur, livrant une tranche d’existence, lourde, difficile, et qui sait dire, à demi-mot, que le silence, parfois, a la part belle.