Here come les Tops 10 2012 de Chronic’art, votre serviteur devant l’éternel. Jusqu’à la fin de l’année (1 top par jour, presque), on vous la fait en speed, mais en version pragmatique/efficace, pour vous rappeler ce que la rédaction a préféré par-dessus tout, cette année-là. Ca se discute, certes, mais ici, comme à l’accoutumée, on assume tout. Et même parfois son contraire. Ouverture des amabilités (ou des hostilités, c’est selon) avec le Top livres (avant les Tops Musique, Séries-TV, Jeux vidéo, Bandes dessinées et Cinéma).

 

 

 

1. Aurélien Bellanger, La Théorie de l’information (Gallimard)

Oui, bon, d’accord, ce n’est pas très original. En même temps, c’est le seul écrivain qui a fait la Une de Chronic’art cette année (cf. Chronic’art #78), il faut donc être cohérent (et sincère). Avec sa Théorie aux allures houellebecquiennes, Bellanger mélange saga industrielle, réflexion sur le devenir rhizomatique de l’homme et satire des nouveaux dieux 2.0 dans un pavé qui se lit comme un polar. On peut lui faire tous les reproches qu’on veut, c’est tout de même le livre de l’année.

 

 

2. Steve Tesich, Karoo (Monsieur Toussaint Louverture)

Quasi inconnu au bataillon, Tesich fut pourtant une figure de la littérature américaine, et un scénariste star dans les seventies. Son Karoo est d’ailleurs une satire de Hollywood : le héros réécrit des scénarios afin de les rendre digestes pour l’industrie du divertissement. Désabusé, outrageusement drôle, le regard de Tesich sur l’Amérique est à la hauteur de ses désillusions d’immigré yougoslave, passé par l’euphorie puis par le désenchantement.

 

 

3. Pierre Jourde, Le Maréchal absolu (Gallimard)

Evidemment, il faut être fou pour publier un livre comme ça : une sorte de tétralogie monstrueuse, écrite en tout petit, dense, complexe, sur la figure grotesque du dictateur moderne. Résultat : le livre n’a eu aucun succès (si, le Prix Virilo, quand même), mais il restera comme le grand œuvre de Pierre Jourde (quinze ans de travail), et assurément comme l’un des romans les plus époustouflants de ces dernières années.

 

 

4. Jay Cantor, Krazy Kat (Cherche-Midi)

Voici pour la ligne postmoderne du joyeux foutoir esthétique qu’est la rédaction de Chronic’art : un roman déjanté qui met en scène les personnages du comics culte de George Herriman (réédité en même temps), secoue fort et en tire une sorte de marathon du XXe siècle avec la bombe A, la psychanalyse, la pornographie et le cinéma. Sans oublier les briques, les miaous et tout le décor de Coconino.

 

 

5. Chad Harbach, L’Art du jeu (Lattès)

Voici pour la ligne académique du joyeux foutoir esthétique qu’est la rédaction de Chronic’art : un roman sage et puissant qui met en scène un campus américain et plus particulièrement des joueurs de baseball, avec une intrigue impeccablement tissée, une romance amoureuse et un aperçu encyclopédique des mille et uns secrets du baseball, ce sport auquel vous ne comprenez rien mais que vous aimez après avoir lu le livre.

 

 

6. Jean Forton, La Vraie vie est ailleurs (Le Dilettante)

Voici pour la ligne « vieilleries ressuscitées » du joyeux foutoir esthétique qu’est la rédaction de Chronic’art : un pur joyau oublié de Jean Forton (1930-1982), que le Dilettante est allé exhumer dans ses tiroirs alors que plus personne n’y croyait. Résultat : un fabuleux roman de la vie provinciale (Bordeaux), un duo de personnages inoubliable et, surtout, une superbe variation sur le thème pourtant rebattu de la vie rangée ou brûlée, bourgeoise ou libertaire.

 

 

7. Jonathan Dee, La Fabrique des illusions (Plon)

Il s’appelle Jonathan, il a du succès, il ausculte l’Amérique, mais ce n’est pas Franzen : c’est Dee, beaucoup moins célèbre hélas, importé en France avec Les Privilèges et maintenant avec cette Fabrique des illusions, plongée réussie dans l’univers des créatifs publicitaires, analyse d’un couple et réflexion douce-amère sur le devenir marchand de l’Amérique, loin des intentions des pères fondateurs. Haut niveau.

 

 

8. David Simon, Baltimore (Sonatine)

La découverte de ce monstre vingt ans après sa parution américaine est à la fois un choc et une confirmation : David Simon (lire notre long entretien dans Chronic’art #79) est aussi remarquable écrivain de livres que showrunner (The Wire, Treme). Dérivé jusqu’au-boutiste de ce que les Américains appellent le « narrative journalism », Baltimore (Homicide en v.o.) est transparent à la limite dusimpliste dans son dispositif mais vertigineux dans l’océan de complexités qu’il arrive à coucher sur le papier.

 

 

9. Crad Kilodney, Villes bigrement exotiques (Le Dilettante)

Parce qu’il faut bien rire, aussi, n’oublions pas de mettre Kilodney sur notre podium. Ce n’est pas sérieux, direz-vous. Précisément. Villes bigrement exotiques, sorte d’anti-guide touristique sur diverses bourgades ubuesquement laides, inhospitalières et dangereuses, est un recueil d’une drôlerie, d’une cruauté, d’une verdeur parfaitement irrésistibles, avec un côté antipolitiquement correct qui réjouit en ces temps de tolérance à outrance.

 

 

10. Maurice G. Dantec, Satellite Sisters (Ring)

« L’affaire » Dantec / Kersan a complètement fusillé la sortie de ce nouveau roman (cf. Chronic’art #78), qui voit pourtant l’écrivain en exil renouer avec son meilleur niveau et mettre au point ce que nous appelions dans notre numéro de rentrée une sorte de « littérature 2.0 ». Un roman foutraque et dante(s)que qu’on aurait tort de laisser enfouir sous les rumeurs et les polémiques un peu tristes qui ont nourri la chronique de l’automne.

 

TOP 10 PERSOS

 

Julie Coutu

1. Nick Flynn, Contes à rebours (Gallimard)
2. Donald Ray Pollock, Le Diable, tout le temps (Albin Michel)
3. Steve Tesich, Karoo (Monsieur Toussaint Louverture)
4. Claire Vaye Watkins, Nevada (Calmann Lévy)
5. Chad Harbach, L’Art du jeu (Lattès)
6. Toni Morrison, Home (Christian Bourgois)
7. Jonathan Dee, La Fabrique des illusions (Plon)
8. Agustin Fernandez Mallo, Nocilla Dream (Allia)
9. David Mitchell, Les Mille automnes de Jacob de Zoet (L’Olivier)
10. Dominic Cooper, Nuage de cendre (Métailié)

 

Gladys Marivat

1. Russell Hoban, Enig Marcheur (Monsieur Toussaint Louverture)
2. David Foster Wallace, Le Roi pâle (Au diable Vauvert)
3. Jeannette Winterson, Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? (L’Olivier)
4. Jakuta Alikavazovic, La Blonde et le bunker (L’Olivier)
5. Leslie Kaplan, Trois Américaines à Paris (Gallimard)
6. Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville (Minuit)
7. Silvia Avallone, Le Lynx (Liana Levi)
8. Harriet Lane, Le Beau monde (Plon)
9. Shirley Jackson, Nous avons toujours vécu au château (Rivages)
10. Hector Tobar, Printemps barbare (Belfond)

 

Romaric Sangars
1. Antonio Lobo Antunes, La Nébuleuse de l’insomnie (Christian Bourgois)
2. Wajdi Mouawad, Anima (Actes Sud)
3. Pierre Jourde, Le Maréchal absolu (Gallimard)
4. Régis Jauffret, Claustria (Seuil)
5. Maurice G. Dantec, Satellite Sisters (Ring)

 

Pierre Jouan

1. Steve Tesich, Karoo (Monsieur Toussaint Louverture)
2. Richard Powers, Gains (Le Cherche-midi)
3. Aurélien Bellanger, La Théorie de l’information (Gallimard)
4. John Gardner, La Symphonie des spectres (Denoël)
5. Gary Shteyngart, Super triste histoire d’amour (L’Olivier)
6. Jérôme Noirez, Féérie pour les ténèbres (Le Bélial)
7. David Mitchell, Les Mille automnes de Jacob de Zoet (L’Olivier)
8. Greg Egan,Zendegi (Le Bélial)
9. Ian McDonald, La Maison des derviches (Denoël)
10. Donald Ray Pollock, Le Diable, tout le temps (Albin Michel)

 

Fabrice Colin

1. Donald Ray Pollock, Le Diable, tout le temps (Albin Michel)
2. Karen Russell, Swamplandia (Albin Michel)
3. David Mitchell, Les Mille automnes de Jacob de Zoet (L’Olivier)
4. Christopher Sorrentino, Transes (Sonatine)
5. Steve Tesich, Karoo (Monsieur Toussaint Louverture)
6. Pierre Jourde, Le Maréchal absolu (Gallimard)
7. Louis Wolfson, Ma Mère, musicienne, est morte de maladie maligne (Attila)
8. Sam Shepard, Chroniques des jours enfuis (13e note)
9. Gonçalo M. Tavares, Un Voyage un Inde (Viviane Hamy)
10. Tom McCarthy, C (L’Olivier)

 

Olivier Lamm

1. Ben Marcus, The Flame Alphabet (Knopf)
2. Jay Cantor, Krazy Kat (Cherche-Midi)
3. Gonçalo M. Tavares, Un Voyage en Inde (Viviane Hamy)
4. David Foster Wallace, Le Roi pâle (Au Diable Vauvert)
5. John d’Agata, Yucca Mountain (Zones Sensibles)
6. Jean-Yves Jouannais, L’Usage des ruines (Verticales)
7. Juan Francisco Ferré, La Fête de l’âne (Passage du Nord-Ouest)
8. Jakuta Alikavazovic, La Blonde et le bunker (L’Olivier)
9. Mark Twain, L’Autobiographie de… (Tristram)
10. David Simon, Baltimore (Sonatine)

 

Bernard Quiriny

1. Alain Galan, L’Ourle (Gallimard)
2. Chad Harbach, L’Art du jeu (Lattès)
3. Aurélien Bellanger, La Théorie de l’information (Gallimard)
4. Jonathan Dee, La Fabrique des illusions (Plon)
5. Crad Kilodney, Villes bigrement exotiques (Le Dilettante)
6. Jean Forton, La Vraie vie est ailleurs (Le Dilettante)
7. Alain Fleischer, Conférenciers en situation délicate (Léo Scheer)
8. Eugène Green, Les Atticistes (Gallimard)
9. Thierry Gillybœuf, H.D. Thoreau, le célibataire de la nature (Fayard)
10. Christophe Donner, A quoi jouent les hommes (Grasset)

 

Ludovic Barbiéri

1. Steve Tesich, Karoo (Monsieur Toussaint Louverture)
2. Aurélien Bellanger, La Théorie de l’information (Gallimard)
3. Russell Banks, Lointain souvenir de la peau (Actes Sud)
4. Eric Vuillard, Congo (Actes Sud)
5. Jonathan Dee, La Fabrique des illusions (Plon)
6. Ferdinand von Schirach, Coupables (Gallimard)
7. Jean Grégor, L’Ombre en soi (Fayard)
8. Philippe Le Guillou, Le Pont des Anges (Gallimard)
9. Pierre Jourde, Le Maréchal absolu (Gallimard)
10. Crad Kilodney, Villes bigrement exotiques (Le Dilettante)