Stonewood Heights, Etats-Unis. Au lycée, Ruth, la prof d’éducation sexuelle, répond distraitement à une question sur la fellation en reconnaissant que « certains y prennent plaisir », sans avoir conscience du scandale que va déclencher cette petite phrase. C’est que les puritains du coin veillent au grain, en particulier les extrémistes de « l’Eglise du Tabernacle », une petite communauté hyperactive dirigée par un jeune pasteur fabuleusement prosélyte. C’est grâce à ce dernier que Tim, ex-musicien alcoolo et divorcé, s’est refait une virginité morale, jusqu’à mener aujourd’hui la vie d’un parfait chef de famille (« Ned Flanders, la moustache en moins ») – bon mari, bon père, et même entraîneur bénévole de l’équipe de foot féminine de la ville. Le hic, c’est que les deux filles de Ruth jouent dans ladite équipe, et que leur mère apprécie moyennement les prières improvisées qu’organise Tim au milieu du terrain quand le match a été bon…

En relatant alternativement les aventures (conjugales, sexuelles, sociales, spirituelles) de Ruth et de Tim (la laïque progressiste et le fanatique sympa), Tom Perrotta (Les Enfants de choeur, en 2006, pas mal mais moins bon que celui-ci) analyse les paradoxes du fait religieux aux Etats-Unis et, surtout, offre une comédie sociale désopilante, d’autant plus irrésistible que tout y tourne autour du cul (on découvre ainsi comment font les puritains pour s’envoyer en l’air en bonne conscience, grâce à des manuels du type Chauds comme la braise : pimentez votre mariage en accord avec la parole divine). Les personnages sont complexes et attachants et le roman, dénué de tout manichéisme et truffé de morceaux de bravoure (le séminaire pédagogique moralisant que la direction impose à Ruth, les expérimentations sexuelles « religieusement correctes » de Tim et de sa femme, le Woodstock chrétien…), se révèle comique et plaisant de bout en bout, avec des dialogues dont l’excellente traduction de Madeleine Nasalik préserve toute la saveur.