Très remarqué lors de sa parution en 1998, le premier roman de Ronald Wright (La Sagaie d’Henderson, l’an dernier) est à la fois une remarquable variation sur le thème du voyage dans le temps, un bel hommage aux classiques de la SF (Jules Verne et H.G. Wells, pour qui la critique avait inventé l’expression « scientific romance » qui donne son titre original au roman) et aux classiques tout court (Shakespeare) et, plus largement, une réflexion ironique et pessimiste sur l’Histoire, la civilisation et la fin de l’humanité.

Jeune archéologue londonien, David Lambert est lancé par le hasard sur les traces de Wells et de sa fameuse machine à voyager dans le temps ; canular ou scoop du siècle, une info sensationnelle laisse entendre qu’au début du siècle, l’assistante de Nikola Tesla (l’icône de l’électricité) a mené des recherches hallucinantes et réalisé le rêve de l’écrivain, dont elle a d’ailleurs été l’amante. Seul à y croire, David met la main sur l’engin, apprend entre-temps qu’il a peut-être été contaminé par la maladie de la vache folle, perd un peu la boule et, après pas mal de mésaventures, décolle pour l’an 2500 et la deuxième partie du livre. Là, stupeur : l’Angleterre est devenue une sorte de grande jungle préhistorique, l’herbe a des épines qui déchirent les semelles, il y a des otaries dans la Tamise et l’homme semble avoir disparu. Après des semaines d’exploration, David, qui note consciencieusement ses découvertes et s’efforce de trouver des indices de ce qui a bien pu se produire (guerre nucléaire ? mutations génétiques généralisées ? réchauffement climatique ?), finit par tomber sur une petite tribu d’abrutis noirs et anglicans qui s’appellent tous McBeath.

Quelque part entre Lost, L’Armée des douze singes et la SF écolo, Wright signe un excellent roman d’aventures, superbement construit (flash-backs, confession, récit, allers-retours permanents entre hier et maintenant), bourré de références (littéraires, scientifiques, mythologiques) et, pour ce qui est de sa dimension « philosophique » (l’avenir de l’homme, la roue de l’Histoire, la destruction des civilisations, etc.), intelligent et lucide sans être pontifiant ni démonstratif. On regrettera les longueurs occasionnelles de la seconde partie (le roman n’aurait rien perdu à s’alléger de quelques-unes de ses 400 pages), mais cette ambitieuse et inquiétante Chronique des jours à venir s’impose comme l’un des très bons romans de ces derniers mois. Parfait pour les vacances, avant que les UV ne nous tuent.